En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Ancien vice-premier ministre de Moldavie, journaliste et éditeur, Iurie Rosca est le principal coordinateur des colloques eurasistes de Chisinau, qu’il présente comme un anti-Davos. Persécuté par les oligarques qui dirigent son pays, il avait été menacé en 2018 d’une peine de 7 ans de prison. C’est donc un authentique dissident anti-mondialiste que l’équipe d’ER Lille accueillait le samedi 23 mars prochain pour une rencontre avec le linguiste belge Robert Steuckers sur le rôle géopolitique de la « Moldavie, la virgule euro-russe ».
Nous vous proposons aujourd’hui ces conférences en vidéo.
L’effondrement de nos libertés accompagne notre déclin intellectuel moral, militaire, économique. Nous ne sommes bons qu’à détruire les restes de notre civilisation. Il n’y a plus de socialisme, plus de capitalisme, juste un système infect – un ultra-capitalisme bonimenteur et gaspilleur – bon à creuser des dettes immondes pour remplacer ses populations et saccager des vies. Notre hyper-apocalypse n’offre même pas la grandeur épique dont nous eussions rêvé en des temps plus reculés. C’est un environnement crade qui se contente de ruiner la qualité de la vie tout en doublant le prix de tout à chaque instant.
Il faudra écrire un livre sur le rôle de la technologie, arrogante, puérile, envahissante, dans le déclin de la civilisation technicienne occidentale. Déclin des transports, du nucléaire, de la construction, de la pharmacie, de l’espace, de l’alimentation… Depuis les années 70, la technologie américaine infantilise d’un côté (les jeux, « l’information ») et de l’autre elle rend vicieuse des élites qui copient les investisseurs qui ont remplacé l’industrie par l’agiotage. La technologie a tué le cinéma dont les effets spéciaux sont devenus ridicules, comme ceux des Marvel-Mossad comics. Et ce n’est pas avec des sabres laser que nos zélés infantilisés mettront au pas russes, iraniens, chinois ; déjà qu’on pleurniche avec le Yémen ou le Hezbollah…
Il faut évoquer les deux historiens impériaux Samuel Huntington et Victor Davis Hanson. Car on assiste à la fin du « monopole de la violence » occidentale, de sa « culture du carnage » qu’Hanson fait remonter aux guerres médiques. Mais Hanson oublie la victoire des Parthes contre Crassus (lisez sa vie par Plutarque) et la chance historique contre les mongols qui firent demi-tour (Batu khan) pour des raisons familiales avant de raser de près le petit cap asiatique. Quant à Huntington toujours mal lu, il affirmait que l’occident s’était imposé par sa violence organisée (« superiority in applying organized violence »), pas par la supériorité ontologique de sa civilisation…
Fred Reed s’est magnifiquement défoulé sur unz.com, alors on va le laisser parler. Fred Reed rappelle sa carrière :
Pendant quelques décennies, j’ai couvert les questions militaires pour diverses publications, comme le Washington Times et Harper’s, et j’ai tenu une chronique militaire pour le Universal Press Syndicate. Je suivais le principe bien connu des journalistes avisés : « Ne demandez pas ce que vous pouvez faire pour le journalisme, mais ce que le journalisme peut faire pour vous. » Vivre au rythme militaire était un excellent passe-temps, permettant de voler dans des avions de combat et de naviguer dans des sous-marins. Mais si vous prenez l’étude au sérieux, comme je l’ai fait, vous apprenez des choses intéressantes. Comme par exemple le fait qu’une guerre contre un « vrai » pays, comme la Russie, la Chine ou même l’Iran, serait une aventure insensée.
Reed évoque la sinistre fonction de l’armée US :
Les armées inutilisées se détériorent. La flotte américaine n’est plus entrée en guerre depuis 1945, ni l’armée de l’air depuis 1975, ni l’infanterie dans une vraie guerre depuis le Vietnam. Le bombardement de paysans sans défense, la principale fonction de l’armée américaine, n’est pas la guerre.
Sur la conscription, Reed souligne une débandade morale :
Les États-Unis ne peuvent pas mener une grande guerre terrestre, comme par exemple contre la Russie, la Chine ou l’Iran. Une telle guerre nécessiterait de recourir à la conscription. Le public ne l’accepterait pas. Les États-Unis ne jouissent plus du genre d’unité patriotique qu’ils avaient au début de la guerre contre le Vietnam. De lourdes pertes seraient intolérables. Les gens d’aujourd’hui sont beaucoup plus disposés à désobéir au gouvernement fédéral. Notez que de nombreux États ont légalisé le cannabis au mépris de la loi fédérale et que de nombreuses juridictions du pays refusent tout simplement d’aider les autorités fédérales en matière de lois sur l’immigration. Toute tentative d’envoyer des femmelettes au combat entraînerait une désobéissance civile généralisée.
Sur la marine US devenue invalide, il dit :
Un porte-avion est une vessie de carburéacteur enrobant de puissants explosifs. Les implications sont considérables. Un missile balistique hypersonique plongeant, guidé en phase terminale, perforant le poste de pilotage et explosant dans le pont du hangar, enverrait n’importe lequel d’entre eux dans les chantiers de réparation pour une année. Les Russes et les Chinois développent ou ont déjà mis au point des missiles spécifiquement conçus pour éliminer ces porte-avions. Notez que la portée de certains de ces missiles est beaucoup plus grande que le rayon de combat leurs avions. Oups.
Pour Reed, le soldat US devient une poule mouillée :
Jusqu’au Vietnam, les guerres américaines ont été menées par des jeunes hommes coriaces, souvent issus de milieux ruraux, connaissant bien les armes à feu et le travail physique pénible. Je le sais bien, ayant grandi et ayant servi avec eux dans la marine. La discipline, si elle n’est pas vraiment brutale, était très stricte. Les exigences physiques étaient élevées. En AIT (entraînement avancé d’infanterie), au Camp Lejeune, c’était «La compagnie S sur la route ! » à 3h30 du matin, suivie d’une course à pied et d’un entraînement intensif aux armes jusqu’à minuit. Oui, les vieux aiment se rappeler comment c’était à l’époque, mais c’était vraiment comme ça.
Aujourd’hui, l’Amérique a une armée corrompue par une politique de justice sociale. Les recrues ne sont plus taillés comme des bûcherons. L’obésité est commune. Le Pentagone a abaissé ses standards physiques, caché les problèmes raciaux, assoupli son entraînement. Les officiers ont peur du nombre grandissant de femmes militaires au sein des unités de combat. Une plainte pour sexisme et c’en est fini de votre carrière.
Trait important, il y a le pourrissement du corps des officiers :
En temps de paix prolongée, le corps des officiers se désintègre. Tous les officiers du second tour sont des politiciens, surtout au-dessus du lieutenant-colonel. On ne bénéficie pas de promotion en suggérant que les hauts gradés mentent pour des raisons politiques, mais en insistant sur le fait que la guerre en Afghanistan est en train d’être gagnée. Le temps de paix encourage les carriéristes qui avancent en ne faisant pas de vagues. Dans une grande guerre, de tels généraux d’éclat n’ayant fait le coup de feu que sur PowerPoint doivent être éliminés à un coût élevé en vies humaines.
L’armée d’aujourd’hui ne fera rien de bon dans un combat égal contre des Afghans, des Russes ou des Iraniens. L’armée américaine n’a pas réussi à vaincre les villageois afghans en dix-huit ans avec un immense avantage en termes de puissance aérienne, de cuirassés, de blindés, d’artillerie, de soins médicaux et d’équipement. Que pensez-vous qu’il arriverait s’ils devaient combattre les Talibans sur un pied d’égalité : sandales, fusils, lance-roquettes et pas grand-chose d’autre ?
Incompétence et corruption sont la norme :
Pourquoi donc construire ces armes ? Parce que Northrop-Grumman a tellement d’argent que ses lobbyistes utilisent des pelles à neige pour remplir les poches des membres du Congrès. À l’époque où je couvrais le Pentagone, chaque fois qu’une nouvelle arme était achetée, par exemple l’hélicoptère d’attaque AH-64, le contractant principal communiquait une liste de sous-traitants dans de nombreux États – dont les membres du Congrès soutiendraient l’arme afin d’obtenir les emplois. Tout est une question d’argent. Parfois, le Congrès oblige l’armée à acheter des armes qu’elle dit explicitement ne pas vouloir, comme un plus grand nombre de chars M1 de l’usine de Lima, dans l’Ohio. Pour les emplois.
En bref, de nombreuses armes sont achetées pour des raisons économiques et non pour une utilisation en temps de guerre. De mon temps, j’ai vu de nombreuses armes non utilisables. Le B1, B2, DIVAD, le véhicule de combat Bradley, le M16, le V-22, le LAW. Rien n’a changé.
Reed rappelle comme Philippe Grasset la nullité des nouveaux équipements :
Mais nous avons maintenant le F-35, le dernier chasseur à tout faire aux coûts grotesques. On dirait un coucou mal conçu et souffrant de problèmes infinis. Selon la presse technique, il s’agit d’une reine de hangar ayant des taux de sortie très bas, une préparation médiocre et nécessitant une maintenance électronique complexe, souvent à des échelons distants.
Alors l’efficacité est remplacée par la folie :
Supposons que Bolton [ou Pompeo] obtienne sa guerre contre l’Iran. Les conseillers lui disent qu’elle sera brève et facile, chirurgicale, une promenade de santé. Avons-nous déjà entendu cela ? La Marine affirmé qu’elle peut garder le détroit d’Ormuz ouvert, grrr, waf ! Mais s’il se trouve que l’Iran ne suit pas le scénario, ne se rend pas. Et que la marine, à sa grande surprise, ne trouve pas les missiles anti-navires profondément enterrés et transportés par camion qui continuent de frapper les pétroliers. Ceux-ci continuent à brûler. Bientôt, personne ne les assurera. Ils arrêtent de circuler. Trois semaines après le début de la guerre, le monde réclame du pétrole à grands cris, il n’y a pas de fin en vue, Trump ne peut admettre qu’il a fait une gaffe, et Bolton [ou Pompeo] veut lancer une bombe nucléaire contre Téhéran.
Ou Washington pousse trop fort dans la mer de Chine méridionale, une collision accidentelle se transforme en un échange de tirs, et les Bannonites Pompeo-Boltoniens ordonnent à la flotte de donner une leçon aux Chinetoques. Malheureusement, les missiles anti-navires chinois s’avèrent plutôt meilleurs que prévu, un porte-avion est détruit et trois destroyers transformés en tas de ferraille.
Que fait-on maintenant ? Les egos surdimensionnés et mal informés à Washington ne peuvent accepter la défaite. D’une part, cela mettrait fin à la crédibilité américaine en tant que puissance hégémonique, et tout le monde voudra acheter des missiles anti-navires chinois. La vanité joue un plus grand rôle dans les affaires mondiales que ne le disent les manuels. Washington, bêtement mais inévitablement, irait dans la surenchère et commencerait une guerre totale contre la Chine. À ce stade, les choses deviendraient imprévisibles.
Puis Reed rappelle que la guerre nucléaire envisagée par l’ahuri que le Donald a mis à la place du regretté Bolton n’est pas gagnable :
Les hommes d’une stupidité incalculable et d’une insuffisance sexuelle probable parlent d’une guerre nucléaire comme gagnable. Ils peuvent toujours rêver. Réfléchissez : les villes américaines ne peuvent pas se nourrir elles-mêmes. Trois jours sans envois de nourriture et les New-yorkais auront vidé les rayons des supermarchés. Une semaine et ils tueraient pour des conserves de thon. Deux semaines et ils se mangeraient les uns les autres. Un très petit nombre de bombes nucléaires sur les centres de transport empêcherait la distribution de nourriture pendant des mois. Même un plus petit nombre encore de bombes au cobalt, conçues pour produire un maximum de radiations persistantes, rendraient les zones fermières mortellement radioactives pour une décennie.
Les «intellectuels de la Défense», généralement tellement stupides qu’ils devraient vivre dans des arbres, discutent de la domination par l’escalade, du facteur d’intimidation et de la défense antimissile imperméable. Ils sont complètement fous. Ce dont ils ont vraiment besoin, c’est d’une coquille et d’un abonnement à Pornhub Premium.
Et Reed de conclure :
C’est la raison pour laquelle c’est vraiment une très mauvaise idée d’avoir un dingue psychopathe, deux chrétiens fanatiques et un fils-à-papa pathologiquement agressif en mesure de déclencher une guerre.
On a compris qu’il ne reste à ces élites technophiles infantiles, que le fanatisme théologique et messianique pour justifier le rôle princier que les hallucinés indices boursiers leur concèdent encore.
Il faudra le mettre au pas cet occident. Il lui reste son marché, ses dollars, ses marottes écolos ou humanitaires. Mais sa manière de s’auto-halluciner, un peu comme un dealer qui succombe à sa dope, le rend de plus en plus inopérant.
Le 5 août dernier, en séance plénière de la Rajya Sabha, la chambre haute du Parlement qui représente les États et les territoires de l’Union indienne, le ministre fédéral de l’Intérieur, Amit Shah, par ailleurs président du BJP (Parti du peuple hindou) au pouvoir, lisait un décret présidentiel supprimant l’exception constitutionnelle du Cachemire indien.
Malgré la rébellion maoïste naxalite au Bengale-Occidental, au Karnataka et au Bihar, la question du Cachemire demeure le facteur principal de tension entre les trois puissances nucléaires indienne, pakistanaise et chinoise. À l’indépendance en 1947, la partition de l’ancien empire britannique des Indes s’effectue selon le critère religieux, ce qui favorise la formation d’un État musulman, le Pakistan alors constitué de deux territoires bien distincts : le Pakistan occidental, soit l’actuel Pakistan, et le Pakistan oriental qui accèdera à l’indépendance en 1971 sous le nom de Bangladesh.
Au moment de la partition territoriale, des millions d’hindous et de musulmans abandonnent leurs domiciles et s’installent dans leurs nouveaux États respectifs. Plusieurs souverains mahométans dont les sujets sont hindous auraient souhaité intégrer le Pakistan, mais leurs territoires enclavés en Inde furent prestement annexés et démembrés par les autorités centrales indiennes. Le maharadjah du Cachemire, Hari Singh, était lui un hindou régnant sur une population musulmane. Il rêvait d’un État indépendant, mais, face aux manœuvres pakistanaises, il décida finalement d’intégrer la jeune Union indienne, ce qui provoqua en partie la première des trois guerres indo-pakistanaises (1947, 1967 et 1971). Le Cachemire se retrouve depuis divisé. Le Pakistan contrôle le Nord-Ouest, les régions de Gilgit – Baltistan et de l’Azad Cachemire (« Cachemire libre » en ourdou). L’Inde en conserve le Sud-Est qui reçoit en 1950 le statut d’un État fédéré autonome, le Jammu-et-Cachemire. En 1962, au terme d’une guerre-éclair, l’Inde perd la vallée de Shaksgam au profit de la Chine qui la nomme Aksai Chin. Aujourd’hui, le glacier de Siachen est revendiqué par Pékin, La Nouvelle-Delhi et Islamabad. Alliée du Pakistan, la Chine reconnaît à demi-mot les revendications pakistanaises sur l’ensemble du Cachemire à l’exception bien sûr de l’Aksai Chin.
Le décret du président Ram Nath Kovind, avec l’approbation du Premier ministre triomphalement réélu ce printemps, le nationaliste Narendra Modi, abroge les articles 370 et 35 A de la Constitution. Au 31 octobre prochain, le Jammu-et-Cachemire sera rétrogradé au rang de territoire de l’Union scindé en deux entités différentes : d’une part, le Jammu-et-Cachemire proprement dit avec le Jammu à majorité hindouiste et la vallée musulmane du Cachemire, d’autre part, le Ladakh à majorité bouddhiste. La révocation de ces articles constitutionnels supprime de facto la discrimination légale qui réservait la propriété foncière et immobilière aux seuls Cachemiris. Le gouvernement indien entend faire du Cachemire ce que les Chinois font aux régions rétives du Tibet et Xinjiang ouïghour, à savoir faciliter le peuplement massif des hindous.
Le matin du 5 août, le Jammu-et-Cachemire était coupé du monde : plus de communications, lignes aériennes interrompues, routes bloqués par des barrages militaires, touristes évacués la veille en urgence. La capitale, Srinagar, était soumise à un état de siège informel. La démonstration de force est aisée. L’armée indienne y maintient de nombreuses troupes en raison d’un voisinage conflictuel et du soulèvement indépendantiste plus ou moins islamiste lancé en 1989. Cette insurrection est encouragée et soutenue par les redoutables services secrets pakistanais.
Depuis quatorze mois, le Jammu-et-Cachemire traversait enfin une grave crise politique. En juin 2018, le BJP se retirait de la coalition gouvernementale locale, renversait le gouvernement et rendait l’État fédéré ingouvernable. En l’absence d’un parlement régional suspendu, il revenait dès lors au gouverneur de l’État, le représentant officiel du gouvernement indien, Satya Pal Malik, d’administrer directement la région et d’entériner la décision présidentielle.
Une course de vitesse démographique s’engage désormais. Les musulmans du Cachemire expriment leur impatience; ils pourraient dans les prochains mois ou dans les prochaines années renforcer la révolte séparatiste afin de devenir pakistanais ou d’obtenir l’indépendance. Le BJP veut par cet exemple entamer l’« hindounisation » du pays. Fin août, des milliers d’habitants de l’Assam ont été déchus de leur nationalité indienne. Le réveil national de l’Inde vient de commencer.
Georges Feltin-Tracol
• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 139, mise en ligne sur TV Libertés, le 16 septembre 2019.
Le thème de ce dimanche convivial se place sous une actualité brûlante : la « révolte des peuples ». En effet depuis sept – huit ans environ, de fortes réactions populaires que les chiens de garde médiatiques de la Caste mondialiste qualifient avec un dédain certain de « populistes » parcourent l’Europe, voire le monde entier. On peut d’un point de vue historique situer l’acte initial – le détonateur – aux années 2013 – 2014 avec La Manif pour Tous et ses millions de manifestants hostiles à la loi Taubira. Cette vive contestation rappelait aux plus anciens les manifestations pour l’école libre en 1984 et, un an auparavant, la protestation des étudiants en droit et en médecine contre la loi du socialiste Savary. Mais cette agitation a ensuite été dépassée par la crise des Gilets Jaunes.
En Allemagne, l’ouverture des frontières et l’accueil d’une main-d’œuvre immigrée corvéable à merci ébranle le gouvernement de la soi-disant chrétienne-démocrate Angela Merkel, ancienne militante zélée des Jeunesses communistes en RDA, et permet à l’AfD (Alternative pour l’Allemagne) de s’opposer à la « Grande Coalition » sociale-démocrate-chrétienne. Le terrain fut préparé par les nombreuses manifestations du mouvement PEGIDA dès 2014. En Flandre belge, au soir du 26 mai dernier, après une décennie au moins de purgatoire électorale, le Vlaams Belang devient sur une ligne nettement sociale et anti-mondialiste la deuxième force politique du royaume derrière les nationaux-centristes de la Nouvelle Alliance flamande du matois Bart De Wever. En Italie, en 2012 – 2013, les Forconi (les « Fourches ») se soulevèrent contre le fisc, la corruption et les dysfonctionnements étatiques. Il en découla en 2018 l’entente gouvernementale inédite entre la Ligue de Matteo Salvini et le Mouvement Cinq Étoiles anti-Système de Luigi Di Maio qui a tenu quatorze mois avant que le « Capitaine » de la Lega ne décide de rompre. Qu’a fait Salvini pendant cette période ? Beaucoup d’esbrouffe. Les clandestins continuent à débarquer dans la péninsule. À sa décharge, il a contre lui l’administration, les médiats, les instances pseudo-européennes, les ONG, la « justice » et la cléricature conciliaire aux ordres de Bergoglio.
L’eurocratie bruxelloise avait déjà été atteinte par la terrible déflagration du Brexit de 2016. L’hyper-classe mondialiste au sens que l’entend Michel Geoffroy dan son essai (1) reçut une autre gifle, cinq mois plus tard, avec l’élection inattendue de Donald Trump à la Maison Blanche. Les prescripteurs officiels d’opinion s’inquiétèrent alors de l’émergence en Hongrie, en Pologne et en Turquie des démocraties illibérales. Le coup de grâce arriva avec le président russe Vladimir Poutine qui proclameait au Financial Time du 28 juin 2019 que « l’ère libérale est devenue obsolète » !
Au printemps de cette année, les Indiens viennent d’accorder au Premier ministre nationaliste Narendra Modi un second mandat et une majorité parlementaire écrasante pour le BJP (Parti du peuple indien). En place depuis six ans et demi, le Premier ministre national-conservateur japonais Shinzo Abe souhaite abroger l’article constitutionnel d’importation étatsunienne niant à l’Empire du Soleil Levant le droit souverain de déclarer la guerre. On pourrait poursuivre la litanie au point d’effrayer la clique ploutocratique qui ressasse l’antienne du « retour aux années 30 ». Si seulement elle avait pour la circonstance raison !
Si on prend la peine de se pencher avec attention sur le soulèvement civique des peuples, on comprend vite que ce n’est pas une révolution. Les Gilets Jaunes témoignent d’une exaspération exceptionnelle qui n’induit aucune conséquence politique. Pour preuve, le bilan français des élections européennes. Dans un contexte d’agitation sociale élevée et de grandes menaces terroristes islamistes, la majorité présidentielle malgré une tête de liste technocratique et insignifiante arrive en deuxième position à 0,87 point du Rassemblement national, soit un écart de 207 924 voix. En dépit d’une progression notable de la participation, l’abstention atteint néanmoins 49,88 %. Pis, en pourcentage, la liste frontiste perd 1,52 % par rapport à 2014. Si on additionne les listes de Jordan Bardella, de Nicolas Dupont-Aignan, de Florian Philippot, du Gilet Jaune Christophe Chalençon et de l’écrivain impolitique Renaud Camus, on obtient un total de 6 233 226 voix, soit un déficit de 4 405 249 suffrages comparé au résultat de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017. C’est sciemment que la liste de la Reconquête présentée par La Dissidence Française n’intègre pas ce calcul. Elle doit représenter un indéniable aiguillon nationaliste-révolutionnaire et identitaire capable à terme de dynamiser le vaste camp (cloaque ?) national. Emmanuel Macron s’en sort bien mieux puisqu’il peut compter sur le report certain des deux tiers des électeurs Verts, d’un tiers des électeurs du centre-droit et d’un cinquième des électeurs de gauche. Les élections européennes de 2019 marquent donc pour le Rassemblement national une indiscutable victoire à la Pyrrhus.
Et pour quels effets pratiques au Parlement européen ? Le groupe héritier d’Europe des nations et de la liberté, Identité et Démocratie, compte 73 membres, principalement issus de la Lega, du RN et de l’AfD. Mais le grand groupe eurosceptique tant vanté au cours de la campagne n’existera jamais ! Différents protagonistes n’en veulent pas. Le Parti du Brexit du national-mondialiste Nigel Farage siège chez les non-inscrits. Le Fidesz de Viktor Orban demeure bien au chaud au sein de la droite gestionnaire et mercantile du Parti populaire européen (PPE) plutôt que de se compromettre avec un RN inapte à s’emparer du pouvoir. Quant aux Polonais de Droit et Justice de Jaroslaw Kacynzski, ils gardent leur propre groupe, Conservateurs et réformateurs européens, dont le tropisme ultra-atlantiste et russophobe les empêche de négocier avec un RN et une AfD bien trop « moscou-centrés » à leurs yeux…
Bien que cinquième groupe du Parlement européen en nombre de membres (un de moins que les Verts historiquement alliés aux régionalistes !), Identité et Démocratie pâtit du cordon sanitaire. Aucun de ses membres ne préside de commission et tous sont ostracisés. La faute en revient ici au mode de scrutin proportionnel qui favorise l’éclatement politique, les combinaisons politiciennes et les majorités transversales autour du PPE, des socialistes, des libéraux et des Verts. L’instabilité gouvernementale chronique en Italie, en Belgique, en Espagne, voire en Allemagne et en Autriche, résulte de l’application de la proportionnelle qui paralyse l’exécutif. Le scrutin majoritaire a lui aussi de très grands défauts. L’imbroglio tragi-comique du Brexit le prouve. L’existence des partis politiques rend les députés de la Chambre des Communes incapables et pleutres. Ils reflètent aussi leurs électeurs dépassés par les événements.
Le mieux serait encore un parlement désigné par les familles, les instances territoriales et les structures socio-professionnelles par le biais du tirage au sort et de la cooptation. L’élection et le vote dans l’isoloir sont des gestes de pure modernité. Avant la césure anthropologique de 1789 préparée plusieurs décennies auparavant par ce que Paul Hazard nomma dans sa remarquable étude éponyme, la crise de la conscience européenne (2), les communautés d’habitants pratiquaient rarement le vote. Elles préféraient la recherche du consensus et s’en remettaient au sort (3). Le simple fait de se porter candidat dénature déjà en soi l’acte politique. Quant aux partis politiques, leur présence dévalorise l’art politique. Comme le soulignait la philosophe Simone Weil dans sa Note sur la suppression générale des partis politiques, rédigée en 1940 et publiée après sa mort en 1950, il importe de se libérer de l’emprise partitocratique et, plus généralement du kratos, de la cratie, afin de mieux privilégier l’archie. Témoin attentif d’une Post-Modernité florissante en initiatives sociétales foisonnantes, moment obligé d’une crise de la conscience occidentale, Michel Maffesoli insiste sur l’avènement d’un monde baroque. Ce choc néo-baroque emportera tout sur son passage, y compris et surtout les illusions démocratiques conservatrices.
Le corps électoral est conservateur au sens que l’entend Charles Maurras dans Mes idées politiques. L’électeur craint que le suffrage populaire perturbe son confort petit-bourgeois proche de celui du Dernier Homme de Nietzsche. Souvenons-nous de sa méfiance lors du second tour de la présidentielle de 2017 en ce qui concerne le projet de sortie de la Zone euro proposée par Marine Le Pen sur les conseils de Florian Philippot. On l’observe encore à l’occasion du récent scrutin européen. En Italie, les listes sœurs ennemies de CasaPound et de Forza Nuova ne recueillent que 0,46 %. En Espagne, les électeurs ignorent l’alliance conclue entre la Phalange espagnole des JONS, Alternative espagnole, la Phalange et Démocratie nationale (0,05 %) et votent pour Vox, la dissidence droitière du Parti populaire. En Grèce, la répression policière et les entraves multiples fomentées par les syndicats, les maires, les journalistes et les juges ont fait perdre à Aube dorée tous ses députés, le 7 juillet dernier aux législatives anticipées. Hors de l’Union dite européenne, les Ukrainiens, lassés par la corruption endémique et l’absence de résultats économiques tangibles, dégagent le président sortant Petro Porochenko et choisissent largement l’acteur comique Volodymyr Zelenski. À peine investi, celui-ci dissout la Rada, le Parlement monocaméral, et permet à son parti, créé en quelques mois, Serviteur du peuple (du nom de la série télévisée qui fit connaître Zelenski) de remporter la majorité absolue pour la première fois depuis l’indépendance en 1991 ! Les électeurs se sont détournés des candidats nationalistes radicaux coalisés de Svoboda, de Secteur droit et du Corps national – Bataillon Azov.
Que penser alors du chaos en cours dans l’Anglosphère ? Séduits par la rhétorique protectionniste, isolationniste et anti-interventionniste, les démocrates pro-Trump de la « Ceinture de la Rouille » (Pennsylvanie, Virginie-Occidentale, Ohio, Indiana, Michigan, etc.) en 2016 s’estiment-ils trahis par un président en partie sous la coupe des faucons néo-conservateurs bellicistes ? En bon larbin de la finance anonyme et vagabonde, le 45e président des États-Unis criminalise la République bolivarienne du Venezuela, la République islamique d’Iran ainsi que le mouvement de résistance libanais Hezbollah. Quant à l’avenir de la Grande-Bretagne en plein Brexit, on ne peut que saluer une fois de plus la vision prophétique de Charles De Gaulle qui refusait l’adhésion de Londres dans l’ensemble européen. Boris Johnson a évincé la très guindée Theresa May. Des responsables supposés nationalistes en Europe ont salué cette arrivée au 10, Downing Street. Ce n’est pas parce que Le Monde, Libération et Arte dépeignent Alexander Boris de Pfeffel Johnson en méchant populiste qu’il faut prendre le contre-pied systématique. Ce natif de New York, rejeton d’une famille cosmopolite, fut de 2008 à 2016 le maire multiculturaliste de Londres. Cet admirateur de deux criminels de guerre britanniques, Winston Churchill et Margaret Thatcher, est foncièrement un ultra-libéral financiariste qui rêve de transformer Londres en « Singapour-sur-Tamise » et son pays en « Global United Kingdom », c’est-à-dire en un Royaume Uni mondialisé. Y voyez-vous un quelconque triomphe pour l’identité, l’enracinement et les traditions ? Souhaitons seulement que le Brexit favorise in fine l’indépendance de l’Écosse, l’autodétermination du Pays de Galles, le rattachement de l’Ulster à la République d’Irlande, le retour de Gibraltar à l’Espagne et la réintégration des îles Malouines à l’Argentine.
Le président brésilien Jair Bolsonaro appartient lui aussi à cette coterie nuisible d’imposteurs grotesques qui déforme et bafoue le combat identitaire, délaisse la priorité sociale anti-libérale et sous-estime l’enjeu écologique enraciné. « Les populistes sincères devraient s’interroger à chaque fois qu’on leur propose un candidat trop détesté par la gauche, prévient avec raison Julien Langella. Ce n’est souvent qu’un cuck, diminutif de cuckservative, “ conservateur cocu ” dans la langue du général Lee : défenseur des valeurs morales ou de la famille mais ouvert au libre-échange et donc aux attaques sur les anticorps spirituels de la nation (4). » Victimes d’une classe politicienne corrompue et d’une insécurité record, les Brésiliens ont soutenu sans aucune hésitation un obscur député fédéral de Rio de Janeiro qui tenait un discours exagéré et provocateur d’ordre, d’autorité et de discipline. Mais Bolsonaro n’a rien d’un continuateur de l’Action intégraliste de Plinio Salgado. C’est évident quand le gouvernement brésilien aligne sa diplomatie sur la centrale mondiale du terrorisme d’État, les États-Unis, s’affiche sioniste chrétien, accélère la déforestation de l’Amazonie et nie tout droit aux peuples autochtones amérindiens. Ces tribus sont elles aussi frappées par un « grand remplacement » pratiqué par les industries agro-alimentaires, les sectes évangéliques et les grandes compagnies minières. Défendre le principe intangible d’« une terre, un peuple » implique par conséquent le rejet de tout apport exogène moderniste ou progressiste ainsi que de toute tentative d’assimilation à la Mégamachine mondialiste génocidaire. « Si par “ exploitation rationnelle ”, il s’agit de transformer les petits fermiers indiens, pauvres mais libres, en ouvriers agricoles inhalant du glyphosate toute la journée, ou en employés des mines dont l’horizon se borne au plateau-repas devant Hanouna, alors, que les Indiens utilisent tous les moyens même légaux pour conserver leurs terres, écrit encore Julien Langella. Si c’est pour intégrer les Indiens à une société occidentale consumériste en phase terminale, alors nous ne pouvons que souhaiter aux Indiens de résister de toutes leurs forces contre le rouleau-compresseur de l’uniformisation mondiale. Si, par “ êtres humains comme nous ”, Bolsonaro entend “ consommateurs zombies déracinés ”, alors que les Indiens ne lâchent rien ! (5) » Les Amérindiens sont chez eux en Amazonie comme les Albo-Européens le sont en Europe et les Hispaniques sur des terres mexicaines volées en 1848 par la grande catin étoilée. Le 2 août dernier, un certain Patrick Crusius déclenchait une fusillade, tuait vingt-deux personnes et en blessait vingt-quatre autres parce qu’il condamnait l’« invasion latino » à El Paso, dont le nom même assure de l’antériorité évidente des Anglo-Saxons à cet endroit…
Surgi des franges les plus loufoques de l’Alt Right nord-américaine, le nationalisme blanc est propagé par le Californien Greg Johnson (photo, ci-contre) dont les écrits sont diffusés en France par une obscure maison d’édition se croyant dissidente qui soutient par ailleurs un traducteur syldavo-poldève au caractère aigri et suffisant. Le nationalisme blanc peut éventuellement résoudre les tensions sociales et ethniques inhérentes à la psychopathologie collective propre à l’âme américaine du Nord en prônant la sécession territoriale. Cette option séparatiste est en revanche pour l’Europe une dangereuse fiction. Le nationalisme blanc sert les desseins d’une faction de l’État profond étatsunien. Contrairement à ce qu’assène Greg Johnson, ce qu’il qualifie avec dédain de « nationalisme grandiose » (6), à savoir la quête d’un Imperium paneuropéen, constitue l’ultime recours des peuples autochtones d’Europe.
Parler dans ces conditions de « révolte des peuples » sonne faux à l’aune de ce décryptage politiquement très incorrect. Les peuples ne se révoltent pas; ils maugréent. Colonisés par l’idéologie de la marchandise, ils expriment une insatisfaction chronique, soudaine et passagère. Certains femmes Gilets Jaunes interrogées au début du mouvement expliquaient leur engagement sur les ronds points par leur impossibilité de se payer de temps en temps un restaurant le samedi soir. Bien des Gilets Jaunes ne veulent pas changer le Système en place; ils souhaitent au contraire s’y conformer, d’où l’échec des quelques tentatives de noyautage par la « droite radicale » et l’entrisme croissant de la part de certaines centrales syndicales et de militants gauchistes.
Dominique Venner disait souvent que l’Europe est pour l’heure en dormition. Mais un jour viendra où elle s’éveillera. Son sacrifice dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 21 mai 2013, incitait à ce réveil. Romantique politique, l’auteur de Baltikum était optimiste. Malgré tous les efforts louables et les appels au sursaut salvateur, les peuples européens ne bougent pas ! Toutes les manifestations électorales qui terrorisent tant les médiacrates n’expriment qu’un somnambulisme tenace. Ce somnambulisme politique désigne le comportement collectif des Européens, voire des Occidentaux, qui se complaisent dans une suave et mortelle léthargie. Ce renoncement se caractérise aussi par une profusion de faux héros réactionnaire ou contre-révolutionnaires.
Qu’est-ce que le faux héros contre-révolutionnaire ou réactionnaire ? Le philosophe catholique d’origine hongroise Thomas Molnar qui vécut longtemps aux États-Unis et qui conseilla Viktor Orban pendant son premier mandat (1998 – 2002), l’explicite dans un essai méconnu La Contre-Révolution. Le faux héros « est en partie le produit de circonstances que l’on peut bien identifier et qui se retrouvent de temps à autre. Si l’on pouvait en dresser un portrait, cela donnerait un personnage né ou élevé dans un milieu contre-révolutionnaire, ou du moins dont on suppose qu’il partage les convictions contre-révolutionnaires. L’opinion publique le classe comme un contre-révolutionnaire et, par conséquent, il a des partisans et des adversaires, un profil politique défini. L’impression est d’autant plus marquée que son style de vie et son style de pensée, choses plus importantes que les jugements intellectuels, divisent automatiquement les gens en amis et ennemis, en sympathisants et adversaires. Pourtant, une ambiguïté considérable s’attache à lui du fait que le style et le contenu de sa pensée ne sont pas toujours en harmonie : jusqu’à ce qu’il détienne fermement le pouvoir, il ne laisse pas découvrir de quel côté penche la balance. Dans la période que précède la prise du pouvoir, cette ambiguïté garantit au faux “ héros ” contre-révolutionnaire une grande liberté d’action; ce n’est qu’au moment décisif qu’il se découvre, explique Thomas Molnar : il accepte l’autorité que lui proposent les contre-révolutionnaires, mais sa politique suit le schéma révolutionnaire et en fin de compte favorise la cause révolutionnaire. Son succès vient donc de son art d’utiliser le temps, et s’il domine le facteur temps c’est précisément que ni ses partisans ni ses adversaires naturels ne sont capables de calculer ni d’évaluer à l’avance quels seront ses faits et gestes; leur perplexité permet au faux “ héros ” de gagner du temps, ce qui est essentiel pour qu’il puisse réaliser ses manœuvres compliquées (7). » Écrites en 1969, ces lignes s’attardent ensuite sur Charles De Gaulle, Paul VI et Richard Nixon.
En 1996, Jean Renaud interroge Thomas Molnar et insiste sur cette notion clé de « faux héros ». « La droite, qui se plaît dans le rôle de l’éternelle victime et qui en est paralysée, n’a pas le choix, répond Thomas Molnar. Du fond de son désespoir, elle accueille ses pires ennemis, du moment que ceux-ci, pour des raisons tactiques et électorales, lui jettent quelques mots à demi rassurants. Le “ faux-héros ” recueille tous les avantages de cette situation. S’il possède assez de caractéristiques pour plaire à la droite, assure Thomas Molnar, il n’en reste pas moins que sa décision est depuis longtemps prise : faire une politique de gauche, la seule qui lui permette de gouverner dans une relative tranquillité (8). » Thomas Molnar prédisait avec une décennie d’avance le quinquennat calamiteux de l’ineffable Nicolas Sarközy. Sarközy, c’est François Hollande en pire. L’ancien maire de Neuilly a même reconnu que s’il avait été réélu en 2012, il aurait poussé encore plus loin l’« ouverture ». Jusqu’où ? À Bernard Tapie ? À Ségolène Royal ? À Olivier Besancenot ? Des trumpistes français peuvent rétorquer que Donald Trump ne gouverne pas dans la quiétude, bien au contraire ! Ayant contre lui l’ensemble de la médiacratie ainsi que divers cénacles influents du Complexe militaro-industriel bankstériste, le New Yorkais dirige dans le feu et la fureur. Ces conditions matérielles difficiles n’en font pourtant pas la réincarnation de Nathan Bedford Forrest, le fondateur du Ku Klux Klan.
« Encore une fois, ajoute Thomas Molnar, la droite n’a pas le choix : autoexilée de la politique, elle déplore cet exil qui promet d’être permanent, elle ferme les yeux et préfère s’illusionner. La principale illusion réside dans ce personnage ambigu du faux héros, capable d’endormir la droite juste le temps nécessaire pour consolider son règne (9). » Ce qu’expose le philosophe politique ne concerne pas que des personnalités publiques, politiques ou intellectuelles; son avertissement s’applique pleinement à certains slogans creux, stériles et finalement incapacitants comme l’« union des droites ».
L’« union des droites » serait une merveilleuse panacée. Future retraitée de la vie politique, Marion Maréchal estimait en 2017 que « la stratégie victorieuse réside dans l’alliance de la bourgeoisie conservatrice et des classes populaires. C’était la synergie qu’avait réussie Nicolas Sarkozy en 2007. […] Ce qui reste possible, c’est l’union des hommes. Il existe aujourd’hui une zone blanche, entre certains courants chez Les Républicains, que je qualifierais de droite nationale conservatrice, Nicolas Dupont-Aignan, ceux qui sortent du champ politique, comme Philippe de Villiers, certains élus et cadres de la droite, et le FN. Dans cette zone blanche, il y a une recomposition à opérer, qui s’apparenterait à l’union de certaines droites. Mais sans doute pas avec cette droite des Républicains, qui est une droite reniée (10) ». On doit lui reconnaître une réelle persévérance avec son école lyonnaise de cadres qui n’ose avouer sa véritable finalité et le soutien intéressé de quelques titres imprimés (L’Incorrect, Causeur, bientôt Conflits).
Cette « union des droites » est aussi l’antienne principale de la fameuse « droite hors les murs » qui, de Robert Ménard à Érik Tegnér, rêve d’un candidat apte en 2022 de battre Emmanuel Macron en réunissant les libéraux-conservateurs bourgeois coincés de Wauquiez et de Bellamy, les nationaux-conservateurs de Nicolas Dupont-Aignan, et l’électorat populaire radicalisé du Rassemblement national. Une congruence que pourrait susciter Éric Zemmour si celui-ci n’était pas un essayiste talentueux qui se refuse d’aborder les rivages de la politique. Dans une « union des droites », les floués seraient les catégories populaires déclassés de la mondialisation libérale. N’oublions jamais que si le « mariage pour tous » a indigné les beaux quartiers de Paris, de Lyon, de Bordeaux et de Versailles, ces mêmes beaux quartiers se félicitent de la généralisation du travail dominical et encouragent à l’encontre de toute étude sérieuse l’augmentation du temps de travail hebdomadaire.
Reconnaissons en revanche la clairvoyance de l’intellectuel souverainiste républicain de gauche Emmanuel Todd dans son livre polémique Qui est Charlie ? (11). Il examine une France de « catholiques – zombies ». Les récentes élections européennes confortent son analyste. L’électeur catho-zombie déteste les Gilets Jaunes, justifie l’impitoyable répression de Galliffet – Castener et donne son vote à La République en marche, formation politique idoine en matière de contre-populisme avéré. Même Patrick Buisson en convient aujourd’hui volontiers; l’« union des droites » ou, pour être plus précis, la combinaison du conservatisme et du libéralisme est désormais révolue. Il encourage maintenant l’« union des anti-libéraux » (12). Encore faut-il comprendre ce qu’il entend… S’agit-il d’une simple entente contre la mondialisation libérale ou bien un vrai front contre le libéralisme culturel et économique, soit l’alliance effective de Pierre-Joseph Proudhon et de Carl Schmitt ?
À l’heure des réseaux sociaux abrutissants, du numérique envahissant et d’Internet censeur implacable, la révolte concrète des peuples se révèle éphémère sinon impossible. Sur l’échelle du temps, ce ne sont que des soubresauts qui marquent la transition du XXe au XXIe siècle. Parfois violentes, ces agitations populaires ne s’inscrivent pas dans la durée, car il leur manque le facteur déterminant de la jeunesse. Les révolutions en Europe entre les XVIIIe et le XXe siècles provenaient d’hommes jeunes : Robespierre avait 36 ans quand il monta sur l’échafaud, Danton 34 ans au moment de son exécution, Napoléon devient Premier Consul à 30 ans, 39 ans pour Benito Mussolini à sa nomination à la présidence du Conseil. Cet élan de trentenaires manque fortement pour alimenter d’authentiques brasiers populaires et sociaux.
Avec la propagande qu’ils subissent à l’école, sur Internet, dans les films et par la publicité, les jeunes générations préfèrent marcher pour le climat au côté de la gracieuse Greta Thunberg. En faisant la grève scolaire contre le réchauffement climatique, les adolescents montrent leur inconséquence, eux qui sont les premiers à se plaindre dès qu’ils perdent leurs smartphones au coût écologique exorbitant en métaux rares et en transports.
La victoire n’est ni pour demain, ni même pour après-demain. Elle se détournera même de la modeste phalange que nous formons tant que les peuples du Vieux Continent persisteront dans leur périlleux somnambulisme. La mort paraît toujours plus douce quand elle arrive en plein sommeil.
Je vous remercie.
Georges Feltin-Tracol
Notes
1 : Michel Geoffroy, La super-classe mondiale contre les peuples, préface de Jean-Yves Le Gallou, Via Romana, 2018.
2 : Paul Hazard, La crise de la conscience européenne (1680 – 1715), Boivin – Librairie générale française, 1935.
3 : cf. Olivier Christin, Vox populi. Une histoire du vote avant le suffrage universel, Le Seuil, coll. « Liber », 2014.
4 : Julien Langella, « Bolsonaro, les Indiens et nous : le populisme en question », dans Présent du 20 juin 2019.
5 : Idem.
6 : cf. Greg Johnson, « Nationalisme grandiose » mis en ligne sur Counter-Currents, le 27 mars 2016.
7 : Thomas Molnar, La Contre-Révolution, La Table Ronde, 1982, pp. 175 – 176.
8 : Thomas Molnar, Du mal moderne. Symptômes et antidotes, entretiens avec Jean Renaud, Éditions du Beffroi, 1996, p. 97.
9 : Thomas Molnar, Du mal moderne, op. cit., pp. 97 – 98.
10 : « Le testament politique de Marion Maréchal – Le Pen (entretien avec Geoffroy Lejeune) », dans Valeurs Actuelles du 18 mai 2017.
11 : Emmanuel Todd, Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse, Le Seuil, 2015.
12 : cf. Patrick Buisson, « Il n’y a aucune convergence possible entre libéralisme et populisme (entretien) », dans L’Opinion du 31 juillet 2019.
• Conférence prononcée à l’invitation de la Ligue du Midi en Occitanie, le 8 septembre 2019.
L'impuissance militaire américaine dans la zone indo-pacifique
par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
La zone indo-pacifique, priorité militaire pour le Pentagone
L'auteur de l'article de Strategic Culture cité en référence indique que selon le secrétaire de la Défense américain Mark Esper, le retrait des Etats-Unis du traité INF (Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire ) n'a pas été motivé par la volonté d'établir des bases américaines dotées de tels missiles aux frontières de la Russie, mais de rassembler tous les moyens militaires disponibles pour faire face à une éventuelle attaque chinoise dans la zone indo-pacifique.
Mark Esper a confirmé que, conformément aux prescriptions du récent rapport sur la stratégie nationale de défense américaine, c'est la Chine et ensuite la Russie qui représentent le plus grand danger auquel sont confrontés les Etats-Unis. Il serait temps selon lui, de se préparer à passer de conflits de basse intensité avec ces deux pays pouvant se prolonger pendant des années à des conflits dits « de haute intensité ». Comme chacun sait, ceux-ci pourraient dégénérer en affrontements nucléaires.
On notera que Mark Esper n'a pas hésité à réaffirmer ceci au moment même où Donald Trump et Xi Jinping envisageraient une atténuation des « sanctions américaines » contre la Chine et des contre-sanctions chinoises. Cette atténuation est vivement souhaitée par les entreprises américaines qui vivent des échanges économiques entre les deux pays. Mais on peut penser que le Pentagone et ses alliés, notamment au Japon et en Corée du Sud, sont de plus en plus préoccupés par les missiles hypersoniques dont se dote actuellement la Chine, avec l'aide de la Russie. Un seul de ceux-ci, comme nous l'avons indiqué précédemment, pourrait s'il était bien placé envoyer par le fonds un porte-avions américain,
Ce qui les inquiète particulièrement aujourd'hui est l'acquisition d'armes anti-aériennes et anti-missiles du type du système anti-missile russe S400 par des pays essentiels à la sécurité américaine tels que l'Inde, la Turquie, la Syrie et même les Emirats Arabes Unis. Les stratèges américains reconnaissent que la supériorité militaire américaine est mise en échec par de tels bases ou navires équipés de ces missiles. Ceux-ci pourraient rendre impuissantes les forces armées américaines dans le Pacifique en seulement quelques heures de conflit.
Mais, comme l'écrit Strategic Culture, les Etats-Unis n'ont pas profité de cette situation pour proposer des accords de coopération avec la Chine et ses alliés. Au contraire, ils voudraient maintenant négocier avec leurs alliés la mise en place d'un Otan du Pacifique. Compte tenu des difficultés que les Américains rencontrent actuellement à utiliser l'Otan nord-atlantique pour établir des relations de coopération entre les membres de cette dernière, on doute que la perspective d'un Otan du Pacifique intéresse beaucoup d'alliés de l'Amérique dans cette zone.
L'auteur en est Matthew Ehret, fondateur et responsable de la Canadian Patriot Review et de la Rising Tide Foundation
Note au 05/09
Il convient de relativiser l'impuissance américaine en mer de chine méridionale. L'US Navy vient de conduire des manoeuvres communes avec les marines de l'ASEAN, comme le relate l'article ci-dessous. Il est vrai que selon cet article, la Chine pratique de son côté de telles manoeuvres. L'ASEAN ou Association des nations de l'Asie du Sud-Est est une organisation politique, économique et culturelle regroupant dix pays d'Asie du Sud-Est
Philippe Grasseta eu le nez creux en relevant ce texte extraordinaire. Que se passe-t-il quand le représentant du système se met à parler juste, quand il nous coupe l’herbe sous le pied ? Car Macron peut désintégrer son opposition antisystème avec ce discours aux ambassadeurs, qui succède à un faux G7-simulacre où le Donald s’est fait piéger comme un alevin.
Macron avait reçu Poutine après son élection, et il l’a revu à Brégançon, mettant fin à la débile/soumise diplomatie héritée des années Hollande-Obama. Et comme en plus il reconnaît la violence de l’ordre néo-libéral financiarisé et la logique des révoltés… en bref, on a un chef d’État qui a compris, ce qui vaut mieux qu’un chef d’État qui fait semblant de nous avoir compris. On étudiera ici la justesse de la pensée, et pas les résultats d’une politique qui nous indiffère du reste.
Et dans ce long discours (17 000 mots) dont on a surtout apprécié la première partie analytique, on a relevé cette observation sur la fin de la domination occidentale :
Nous le vivons tous ensemble ce monde et vous le connaissez mieux que moi, mais l’ordre international est bousculé de manière inédite mais surtout avec, si je puis dire, un grand bouleversement qui se fait sans doute pour la première fois dans notre histoire à peu près dans tous les domaines, avec une magnitude profondément historique. C’est d’abord une transformation, une recomposition géopolitique et stratégique. Nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde.
Puis, comme un savant synthétiseur qu’il est, Macron rappelle finement :
Nous nous étions habitués à un ordre international qui depuis le 18ème siècle reposait sur une hégémonie occidentale, vraisemblablement française au 18ème siècle, par l’inspiration des Lumières ; sans doute britannique au 19ème grâce à la révolution industrielle et raisonnablement américaine au 20ème grâce aux 2 grands conflits et à la domination économique et politique de cette puissance. Les choses changent.
Oui, l’Angleterre c’était l’usine, l’Amérique la guerre (froide, tiède, interminable, et il le fait bien comprendre). La France c’était la culture.
Ensuite, surtout, ce président incrimine la médiocrité occidentale et ses méchantes manières :
Et elles sont profondément bousculées par les erreurs des Occidentaux dans certaines crises, par les choix aussi américains depuis plusieurs années et qui n’ont pas commencé avec cette administration mais qui conduisent à revisiter certaines implications dans des conflits au Proche et Moyen-Orient et ailleurs, et à repenser une stratégie profonde, diplomatique et militaire, et parfois des éléments de solidarité dont nous pensions qu’ils étaient des intangibles pour l’éternité même si nous avions constitué ensemble dans des moments géopolitiques qui pourtant aujourd’hui ont changé.
Puis on remarque que le monde est de facto multipolaire malgré les tweets de Dumb-Trump et Dumber-Bolton :
Et puis c’est aussi l’émergence de nouvelles puissances dont nous avons sans doute longtemps sous-estimé l’impact.
La Chine au premier rang mais également la stratégie russe menée, il faut bien le dire, depuis quelques années avec plus de succès. J’y reviendrai. L’Inde qui émerge, ces nouvelles économies qui deviennent aussi des puissances pas seulement économiques mais politiques et qui se pensent comme certains ont pu l’écrire, comme de véritables États civilisations et qui viennent non seulement bousculer notre ordre international, qui viennent peser dans l’ordre économique mais qui viennent aussi repenser l’ordre politique et l’imaginaire politique qui va avec, avec beaucoup de force et beaucoup plus d’inspiration que nous n’en avons.
Essentiel aussi, on souligne l’habileté et la stratégie de ces nouveaux venus (encore que l’Inde de Modi fasse plutôt grimacer) qui contraste avec l’absence de méthode des américains, digne du colonel Kurz :
Regardons l’Inde, la Russie et la Chine. Elles ont une inspiration politique beaucoup plus forte que les Européens aujourd’hui. Elles pensent le monde avec une vraie logique, une vraie philosophie, un imaginaire que nous avons un peu perdu.
L’occident, coquille vide qui a perdu le sens, cela nous fait un beau débat, qui va de Goethe à Valéry… Enfin un qui a compris que la Chine et la Russie sont dirigées de main de maître.
Vient une autre surprise. Le commis présumé des banques et des oligarques reconnaît que la matrice a fourché… Et cela donne :
D’abord elle s’est profondément financiarisée et ce qui était une économie de marché, que certains avaient pu même parfois théoriser en parlant d’économie sociale de marché et qui était au cœur des équilibres que nous avions pensé est devenue une véritable économie d’un capitalisme cumulatif où, il faut bien le dire, d’abord la financiarisation puis les transformations technologiques ont conduit à ce qu’il y ait une concentration accrue des richesses chez les champions, c’est-à-dire les talents dans nos pays, les grandes métropoles qui réussissent dans la mondialisation et les pays qui portent la réussite de cet ordre.
L’économie de marché nous replonge dans la pauvreté après un siècle et demi de succès :
Et donc l’économie de marché qui jusqu’à présent par la théorie des avantages comparatifs et tout ce que nous avions sagement appris jusque-là et qui permettait de répartir la richesse et qui a formidablement marché pendant des décennies en sortant de manière inédite dans l’histoire de l’humanité des centaines de millions de concitoyens du monde de la pauvreté, a replongé et conduit à des inégalités qui ne sont plus supportables. Dans nos économies, la France l’a vécu ces derniers mois, très profondément mais en fait nous le vivons depuis des années et dans le monde entier. Et cette économie de marché produit des inégalités inédites qui au fond viennent bousculer en profondeur là aussi notre ordre politique.
C’est l’économie des manipulateurs de symboles dont nous avions parlé en citant Robert Reich (« The work of nations« ). Macron reconnaît et donc comprend la colère des classes moyennes :
Quand les classes moyennes qui sont le socle de nos démocraties n’y ont plus leur part, elles doutent et elles sont légitimement tentées ou par des régimes autoritaires ou par des démocraties illibérales ou par la remise en cause de ce système économique…
Et sur les britanniques qui ont voulu sortir de cette Europe bureaucrate notre orateur remarque :
Et au fond, ce que les brexiteurs ont proposé au peuple britannique qui était un très bon mot d’ordre : reprendre le contrôle de nos vies, de notre nation. C’est ce que nous devons savoir penser et agir dans une nation ouverte. Reprendre le contrôle. Fini le temps où on expliquait à nos concitoyens la délocalisation, c’est l’ordre des choses, c’est une bonne chose pour vous. Les emplois vont en Pologne ou en Chine, au Vietnam et vous allez retrouver le … on n’arrive plus à expliquer cette histoire. Et donc, nous devons trouver les moyens de peser dans la mondialisation mais aussi de repenser cet ordre international.
Une bonne petite mise au point sur les américains :
Les États-Unis d’Amérique sont dans le camp occidental mais ils ne portent pas le même humanisme. Leur sensibilité aux questions climatiques, à l’égalité, aux équilibres sociaux qui sont les nôtres n’existe pas de la même manière.Il y a un primat de la liberté qui caractérise d’ailleurs la civilisation américaine très profondément et qui explique aussi nos différences même si nous sommes profondément alliés. Et la civilisation chinoise n’a pas non plus les mêmes préférences collectives pour parler pudiquement, ni les mêmes valeurs.
Car Macron voudrait éviter la soumission à un bloc ou à l’autre. Il faudrait donc l’Europe. Il ajoute étonnamment :
Le projet de civilisation européenne ne peut pas être porté ni pas par la Hongrie catholique, ni par la Russie orthodoxe. Et nous l’avons laissé à ces deux dirigeants par exemple, et je le dis avec beaucoup de respect, allez écouter des discours en Hongrie ou en Russie, ce sont des projets qui ont leurs différences mais ils portent une vitalité culturelle et civilisationnelle, pour ma part, que je considère comme erronée mais qui est inspirante.
Il préfère se réclamer de la Renaissance et des Lumières. Aucun commentaire.
Il nous rassure sur son armée :
Nous sommes en passe de devenir de manière indiscutable la première armée européenne par les investissements que nous avons décidé, par la loi de programmation militaire, par la qualité de nos soldats et l’attractivité de notre armée. Et aujourd’hui, en Europe, personne n’a cette vitalité et personne n’a décidé ce réinvestissement stratégique et humain. Ce qui est un point essentiel pour pouvoir peser. Et nous restons une grande puissance diplomatique, membre permanent du Conseil de sécurité, au cœur de l’Europe et au cœur de beaucoup de coalitions.
Je pense en plus que pousser la Russie loin de l’Europe est une profonde erreur stratégique parce que nous poussons la Russie soit à un isolement qui accroît les tensions, soit à s’allier avec d’autres grandes puissances comme la Chine, qui ne serait pas du tout notre intérêt.
Une mise au point pour l’Amérique :
Mais pour le dire en termes simple, nous ne sommes pas une puissance qui considère que les ennemis de nos amis sont forcément les nôtres ou qu’on s’interdit de leur parler…
Et d’ajouter sur cette architecture de confiance et de sécurité qui lui avait valu les gluants sarcasmes du Donald :
Nous sommes en Europe, et la Russie aussi. Et si nous ne savons pas à un moment donné faire quelque chose d’utile avec la Russie, nous resterons avec une tension profondément stérile. Nous continuerons d’avoir des conflits gelés partout en Europe.
Je crois qu’il nous faut construire une nouvelle architecture de confiance et de sécurité en Europe, parce que le continent européen ne sera jamais stable, ne sera jamais en sécurité, si nous ne pacifions pas et ne clarifions pas nos relations avec la Russie.Ce n’est pas l’intérêt de certains de nos alliés, soyons clairs avec ce sujet.
On rappelle les faiblesses de la Russie – en les outrant certainement :
… cette grande puissance qui investit beaucoup sur son armement, qui nous fait si peur a le produit intérieur brut de l’Espagne, a une démographie déclinante et un pays vieillissant, et une tension politique croissante. Est-ce que vous pensez que l’on peut durer comme cela ? Je pense que la vocation de la Russie n’est pas d’être l’alliée minoritaire de la Chine…
Sur la Chine il rappelle :
Nous respectons les intérêts et la souveraineté de la Chine, mais la Chine doit elle aussi respecter pleinement notre souveraineté et notre unité, et sur ce plan la dynamique européenne est essentielle. Nous avons commis des erreurs profondes il y a 10 ans sur ce sujet.
Que d’erreurs occidentales décryptées… Et pour parler comme Laetitia, « pourvu que ça dure », cette lucidité et ce rapprochement avec la Russie. Pour le reste, les rassemblements nationaux et autres France insoumises ont du souci à se faire. Et les antisystèmes aussi…
Le fait d’avoir assimilé le basculement mondial de ces dernières décennies et d’avoir pris la mesure des inégalités créées par une économie postindustrielle ne donne pas à cette présidence une garantie pour échapper à l’échec ou à la manip’ ; mais reconnaissons aussi que pour la première fois depuis longtemps un esprit présidentiel est capable de saisir et d’analyser les grandes transformations de cette époque étrange.
« L’affichage d’une super-nation européenne n’est qu’un discours d’apparence. On voit bien qu’il n’y a pas d’« Europe-puissance » en vue, qu’il n’y en a jamais eu. Et que tous les protagonistes ont toujours fini par renoncer, de gré ou de force, à l’Europe européenne. Au contraire, on fabrique, en secret, une Europe de la diminutio capitis vassalisée, aliénée, soumise, et donc impuissante (p. 150). » Désormais retiré de la vie politique active, Philippe de Villiers résume dans ce nouvel ouvrage ses recherches dans les archives consacrés au processus européen.
Depuis la campagne du « non » à Maastricht en 1992 et la liste eurosceptique de 1994 sur laquelle figurait le milliardaire franco-britannique Jimmy Goldsmith, il pourfend une certaine Europe, celle des atlantistes, des fonctionnaires et des financiers. Il adopte les mâles propos de l’ancien Garde des Sceaux du Général De Gaulle, Jean Foyer, pour qui « leur Europe n’est pas un but, c’est une “ construction ” sans fin : elle se définit par son propre mouvement. Ce traité a été pensé, écrit même, pour faire coulisser un nœud coulant invisible. Il suffit de resserrer chaque jour le nœud : celui dont les juristes, les commissaires, tiennent la corde, et plus encore le nœud prétorien, le nœud des juges qui vous glissent la corde autour du cou (p. 153). » Député français au Parlement européen par intermittence entre 1994 et 2014, l’ancien président du Mouvement pour la France (MPF) a assisté à la neutralisation politique de l’Union européenne, corollaire de la prépondérance bureaucratique, car « selon la théorie fonctionnaliste qui vient des États-Unis, la plupart des questions appellent des réponses techniques (p. 135) ».
Contre le trio fondateur
Philippe de Villiers en vilipende les fondements intellectuels. Ceux-ci reposeraient sur un trio infernal, sur une idéologie hors sol ainsi que sur un héritier omnipotent. Le trio regroupe Robert Schuman, Walter Hallstein et Jean Monnet. Le premier fut le ministre démocrate-chrétien français des Affaires étrangères en 1950. Le deuxième présida la Commission européenne de 1958 à 1967. Le troisième incarna les intérêts anglo-saxons sur le Vieux Continent. Ensemble, ils auraient suscité un élan européen à partir des prémices du droit national-socialiste, du juridisme venu d’Amérique du Nord et d’une défiance certaine à l’égard des États membres. Quant à l’héritier, il désigne « le fils spirituel (p. 255) », George Soros.
J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu est un gros pamphlet au ton partial. L’ancien président du conseil général de Vendée accuse par exemple Robert Schuman, né à Luxembourg, d’avoir été Allemand pendant la Première Guerre mondiale, puis d’être resté pacifiste au conflit suivant. Villiers regrette ouvertement que la famille Schuman n’ait pas choisi la France en 1871. Il cite à contre-sens l’un de ses biographes, François Roth dans son Robert Schuman (1), pour qui « Schuman n’avait pas le sens de la frontière, car il se sentait chez lui dans tout l’espace lotharingien, en Lorraine, en Alsace, au Luxembourg, en Belgique et dans les pays du Rhin (p. 66) ». En homme du bocage de l’Ouest, Villiers ne peut pas comprendre ce sentiment propre aux marches de l’Est, qui dépasse la sotte « Ligne bleue des Vosges », cette nostalgie rémanente qui liait Robert Schuman au Chancelier Konrad Adenauer, favorable au début des années 1920 à l’autonomie de la Rhénanie, et à l’Italien Alcide De Gasperi, longtemps sujet de l’Empire d’Autriche – Hongrie en tant que natif du Trentin – Haut-Adige – Tyrol du Sud. Ils concevaient la politogenèse européenne comme la reconstitution de l’Empire carolingien sur une assise territoriale franque correspondante à la Francie médiane de l’empereur Lothaire, l’aîné des petits-fils de Charlemagne.
Le parti-pris de Philippe de Villiers l’entraîne à considérer que « les architectes de l’Europe n’étaient pas des réfractaires à l’ordre de la peste brune : Schuman fut frappé d’« indignité nationale », il n’a jamais résisté, il était à Vichy. Monnet s’appuya sur la pensée d’Uriage, c’est-à-dire de Vichy. Il n’a jamais résisté non plus. Le troisième “ Père de l’intégration européenne ”, Hallstein, fut un officier instructeur du nazisme. Il a servi Hitler. Il prétendait même que la grande Europe connaissait là ses premiers épanouissements. L’assimilation des eurosceptiques au prurit fasciste des années trente est insupportable. L’européisme fut nourri au lait de ses premières comptines dans le berceau de la Collaboration et du nazisme. Et, depuis soixante-dix ans, on nous l’a caché (pp. 268 – 269) ». Il veut faire croire au lecteur qu’il vient de découvrir un scandale historique. Il n’est guère étonnant que la bibliographie ne mentionne pas « L’Europe nouvelle » de Hitler de Bernard Bruneteau (2) qui étudie l’« européisme des années noires ». Sans ce malencontreux oubli, Villiers n’aurait pu jouer à peu de frais au preux chevalier.
Un antifa qui s’ignore ?
Outre le rappel du passé national-socialiste de Hallstein, il insiste que Robert Schuman, « le père de l’Europe fut ministre de Pétain et participa à l’acte fondateur du régime de Vichy (p. 67) ». Oui, Robert Schuman a appartenu au premier gouvernement du Maréchal Pétain. Il n’était pas le seul. Philippe de Villiers ne réagit pas quand Maurice Couve de Murville lui dit à l’occasion d’une conversation au Sénat en juillet 1986 : « Je me trouvais à Alger […] quand Monnet a débarqué. J’étais proche de lui, depuis 1939. À l’époque, j’exerçais les fonctions de commissaire aux finances de Vichy (p. 109). » L’ancien Premier ministre du Général De Gaulle aurait pu ajouter que membre de la Commission d’armistice de Wiesbaden, il était en contact quotidien avec le Cabinet du Maréchal. Sa présence à Alger n’était pas non plus fortuite. Il accompagnait en tant que responsable des finances l’Amiral Darlan, le Dauphin du Maréchal !
L’auteur oublie facilement qu’en 1918 – 1919, la République française réalisa une véritable épuration ethnique en expulsant des milliers d’Allemands installés ou nés en Alsace – Lorraine depuis 1871. Il considère par ailleurs l’École des cadres d’Uriage comme la matrice intellectuelle de la pensée officielle eurocratique. Or il ne cite jamais la somme magistrale de Bernard Comte, Une utopie combattante (3), qui montre qu’après sa fermeture en 1942, bien des élèves d’Uriage ont rallié les maquis et la France combattante. Philippe de Villiers n’a-t-il pas lu ce qu’a écrit Éric Zemmour à ce sujet ? « Paul Delouvrier, qui aménagera le quartier de La Défense sous les ordres du général de Gaulle, penant les années 1960, écrit son commensal à La Rotonde, avait été formé par l’école des cadres d’Uriage, créée par Vichy. Cette même école où Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal Le Monde, avait fait ses premières armes (4). » Villiers verse dans le manichéisme le plus simpliste.
Il a en revanche raison d’insister sur Jean Monnet dont « l’œuvre à produire [ses mémoires] a […] été commandée et financée par les Américains (p. 36) ». L’actuelle Union dite européenne sort tout droit des vœux cosmopolites du négociant bordelais. « Ni Europe des États ni Europe-État, l’Union est une broyeuse œuvrant au démantèlement progressif des lois et réglementations nationales et à la régulation au moyen d’un abondant flux de normes introduites dans les systèmes juridiques nationaux. Ce réaménagement bouleverse l’ordonnancement hiérarchique des pouvoirs, c’est-à-dire des États, des souverainetés et des relations internationales telles qu’elles s’étaient construites après-guerre (p. 160). » En effet, « on ne saurait mieux dire que, sous le beau nom d’« Union européenne », se cache une entreprise de liquidation de l’Europe et des Européens véritables, une entreprise littéralement antieuropéenne (p. 229) ». Qui en porte la responsabilité ? L’auteur ne répond pas vraiment. Certes, il mentionne « l’European Council on Foreign Relations, le premier think tank paneuropéen (p. 130) » et s’attarde sur les pages 162 à 164 sans jamais entrer dans les détails le Club Bilderberg. « Jean Monnet s’est trouvé ainsi au point de rencontre de la Révolution bolchevique et de la haute finance anglo-saxonne. Peut-être a-t-il cru, comme tant d’autres Anglo-Saxons, à l’époque, qu’un mariage était possible entre les deux systèmes, et que ce mariage des contraires enfanterait un monde unifié, sous clé américaine (p. 94). » Jamais l’auteur ne cite les travaux précurseurs de Pierre Hillard qui se penche sur le sujet depuis au moins deux décennies. Il aurait pu seulement se reporter à sa récente préface au Nouvel Ordre mondial de H.G. Wells (5). Villiers garde le silence sur la Commission Trilatérale et sur d’autres officines mondialistes d’origine anglo-saxonne tout aussi nuisibles que celles qu’il cite. Pis, il croit révéler que la CIA finançait dans les années 1950 et 1960 les organisations paneuropéennes dont les mouvements de l’ancien résistant Henri Frenay. Or Robert Belot dans sa biographie sur ce dernier (6) y consacrait plusieurs chapitres dès 2003 !
Impuissante union
Le fondateur du Puy du Fou a en revanche bien compris l’intérêt des Étatsuniens de se servir de l’Union dite européenne comme d’un domestique efficace et obéissant. « Cette entreprise s’alimenta de la conviction profonde chez les Américains que leur architecture fédérale devait être transplantée en Europe, et ailleurs dans le monde. Les Américains sont convaincus de la supériorité de leur Constitution sur toutes les autres, en ce qu’elle permettrait le vivre-ensemble de populations venues de la terre entière qui se reconnaîtraient ainsi comme les nationaux d’une puissance universelle (p. 115). » De quoi de plus normal que déplorer dans ces conditions l’impuissance volontaire de l’entité pseudo-européenne ? « Où est donc le “ bouclier ” qu’était censé incarner l’euro, quand les entreprises européennes doivent fuir d’Iran sur injonction américaine, au nom des privilèges extraterritoriaux du “ roi dollar ”, et quand les banques européennes sont tétanisées dès qu’il est question d’un contrat avec un partenaire russe ou iranien ? Que peut donc bien signifier l’affichage d’une politique de défense européenne, alors qu’en réalité c’est à l’OTAN, c’est-à-dire aux États-Unis, que celle-ci est déléguée, avec, pour contrepartie, l’obligation de s’approvisionner en armements américains ? Le choix récent du chasseur F35 américain par la Belgique pour moderniser sa flotte de combat est emblématique (p. 277). » Il en résulte une monstruosité historique, géopolitique et juridique sans précédent. « Cette Europe-là a immolé son enveloppe charnelle, c’est une Europe sans corps. C’est l’union post-européenne. Elle se présente comme un marché ouvert et un espace en extension indéfinie, aux domaines de compétences eux-mêmes en expansion illimitée. L’Union européenne est un espace et un marché sans existence particulière, sans être propre, bientôt pulvérisée en une poussière d’impuissances et d’insignifiances. Ayant stérilisé la vie, elle s’avance dans le troisième millénaire au pas lourd d’un éléphant en phase terminale. Elle n’a pas cherché à être un corps politique, elle n’est qu’un corpus juridique : peu à peu, elle se retire pour faire la place à l’Autre (p. 213). » Pourquoi ? « Jean Monnet ne voulait pas d’une super-nation européenne qui viendrait fondre les nations préexistantes, à l’inverse de quelques-uns de ses disciples. […] “ Le plus grand danger pour l’Europe, ce serait un patriotisme européen ” (p. 160). » Incroyable aveu de la part du Bordelais ! Il convient par conséquent de détourner l’idée européenne en l’orientant vers un authentique esprit identitaire et une véritable aspiration à la puissance géopolitique propre à ce grand espace civilisationnel invertébré. Promouvoir un patriotisme européen, voire un « souverainisme », un « nationalisme » ou même un nouvelintégralisme continental, est une impérieuse et vitale nécessité.
Digne successeur de Jean Monnet, un personnage interlope combat cette perspective, lui qui s’épanouit dans la fluidité et la plasticité du monde occidental. L’auteur cite la remarquable enquête de Pierre-Antoine Plaquevent, (7). On connaît la nocivité, sinon la malfaisance de George Soros. Philippe de Villiers ajoute que « Soros pèse sur d’autres organisations supranationales. Son influence sur la nomination des juges auprès de la Cour européenne des droits de l’homme est de plus en plus visible et redoutée. Plusieurs juges de la CEDH sont des “ anciens ” de chez Soros, car le règlement de cette cour permet à une personne d’être nommée juge même si elle n’a jamais exercé auparavant la fonction de magistrat. Ainsi, les anciens “ militants des droits de l’homme ” deviennent les arbitres du contentieux entre les citoyens et leurs États respectifs, et imposent leur vision radicalement déformée de la nature humaine pour travailler à un véritable changement de civilisation (pp. 265 – 266) ». Un peu comme au Conseil constitutionnel français qui accueille à peu près n’importe qui, mais jamais un Jean-Marie Le Pen ou un Bruno Gollnisch…
Méconnaissance du fédéralisme
Épris du modèle westphalien de l’État-nation, Philippe de Villiers juge que « l’Europe n’a pas de langue commune, ni de frontières véritables ou définitives. Au contraire des États-Unis et de toutes les nations fédérales du monde, il n’y a pas de peuple fédéral en Europe. Et l’on ne fait pas de fédération sans fédérateur. À moins de le choisir à l’extérieur (p. 116) ». Il ignore sûrement que le modèle fédéral concerne des citoyens de peuples différents. Les États-Unis d’Amérique constituent un cas très particulier puisqu’ils représentent le plus vaste dépotoir génétique ultra-individualiste de l’histoire seulement tenue par les médiats, une « justice » intéressée et la croyance suprémaciste en la « destinée manifeste ». Si chaque fédération est spécifique, la plupart des ensembles fédéraux savent inclure divers peuples, langues et religions, d’où des institutions complexes et bigarrées. Sans aller jusqu’à étudier l’Inde, Philippe de Villiers aurait pu se focaliser sur la seule Suisse. Nulle part dans son ouvrage, l’auteur ne mentionne l’hégémonie de l’anglais, ou plus exactement du globish, dans les institutions pseudo-européennes, y compris à l’heure du Brexit. Une fois la Grande-Bretagne sortie de la pétaudière bruxelloise, l’anglais devrait perdre son rang de langue d’usage au sein de l’UE puisque aucun des 27 n’a désormais la langue de Shakespeare comme langue officielle (Malte et l’Irlande, deux États anglophones au quotidien, ont le gaélique et le maltais). Ce silence surprenant.
Malgré tout le tintamarre orchestré autour de J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu, ce livre n’éclaire qu’une partie du désastre. L’Hexagone est lui aussi pleinement infesté par ce que dénonce l’auteur à l’échelle européenne et qui atteint aussi les patries charnelles. Pourquoi se tait-il à propos de la French American Foundation ? N’a-t-il jamais rencontré au cours de sa carrière politique des habitués aux soirées de l’ambassadeur yankee à Paris ? Philippe de Villiers révèle finalement bien peu de choses à l’esprit averti féru de questions européennes. Son livre reflète toutefois la pesanteur accrue d’une formidable chape de plomb qui asphyxie toute réflexion intellectuelle en France. Un universitaire souverainiste lui déclare à propos des documents parus en annexes : « — Ce n’est pas de la timidité, c’est de la prudence. Les universitaires ne sont pas téméraires.
— Il y aurait vraiment des risques à publier la copie des archives ?
— Oui, le risque de perdre sa chaire, sa charge d’enseignement, son job, son éditeur… (p. 20) »
Comme l’aventure européenne, l’Université française ressemble toujours plus à un navire en perdition. L’américanisation de ses structures et le nivellement par le bas des étudiants projettent à vive allure les générations dans le mur, sinon vers le précipice. Le mensonge est total; il a été très bien assimilépar la population.
Georges Feltin-Tracol
Notes
1 : François Roth, Robert Schuman, Fayard, 2008, p. 201.
2 : Bernard Bruneteau, « L’Europe nouvelle » de Hitler. Une illusion des intellectuels de la France de Vichy, Éditions du Rocher, coll. « Démocratie ou totalitarisme », 2003.
3 : Bernard Comte, Une utopie combattante. L’École des cadres d’Uriage, préface de René Rémond, Fayard, coll. «Pour une histoire du XXe siècle », 1991.
5 : H.G. Wells, LeNouvel Ordre mondial, préface de Pierre Hillard, Éditions du Rubicon, coll. « Influences », 2018.
6 : Robert Belot, Henri Frenay. De la Résistance à l’Europe, Le Seuil, coll. « L’univers historique », 2003.
7 : Pierre-Antoine Plaquevent, Soros et la société globale. Métapolitique du globalisme, avant-propos de Xavier Moreau et postface de Lucien Cerise, Le retour aux sources, 2018.
• Philippe de Villiers, J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu, Fayard, 2019, 415 p., 23 €.
Se rapprocher de la Russie, une urgence pour la survie de l'Europe ?...
par Caroline Galactéros
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli dans Marianne et consacré à l'indispensable rapprochement entre l'Union européenne et la Russie. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé récemment, avec Hervé Juvin entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.
Se rapprocher de la Russie n'a jamais été aussi urgent pour la survie de l'Europe
A l’heure où j’écris ces lignes, depuis le sud d’une Europe étourdie de torpeur estivale telle l’insouciante cigale de la fable, un calme étrange semble régner sur les grandes affaires du monde. Un silence inquiétant aussi, comme celui qui précède l’orage en montagne ou le tsunami en mer. En matière de guerre comme de paix, le silence est toujours un leurre. Il se passe en fait tant de choses « à bas bruit » qui devraient mobiliser les chancelleries occidentales et leur faire élaborer des politiques nouvelles, ne serait-ce même que de simples « éléments de langage » disruptifs.
Le nouveau partage du monde n’est pas une césure infranchissable. L’approfondissement du discrédit moral et politique des États-Unis, notamment depuis l’arrivée de Donald Trump, président grandement sous-estimé mais jugé imprévisible et changeant souvent de pied, pousse les acteurs de deuxième rang, pour survivre en dessous du nouveau duo de tête sino-américain, à ne plus mettre tous leurs œufs dans le même panier, tandis que Washington détruit méthodiquement tous les mécanismes et instruments multilatéraux de dialogue.
Rééquilibrage mondial
La crise du détroit d’Ormuz creuse les fractures attendues, comme celle qui oppose les Etats-Unis, Israël et l’Arabie saoudite à l’Iran secondé par Moscou et Ankara sous le regard gourmand de Pékin. Elle révèle aussi l’approfondissement de rapprochements plus insolites, tel celui de Moscou et de Ryad, chaque jour plus visible en Syrie au grand dam de Washington. En témoigne, outre leur rapprochement pour maintenir les cours du pétrole, l’amorce d’une coopération militaire entre les deux pays avec des achats de S400 par Ryad (comme d’ailleurs par Ankara dont l’opportunisme ne connait plus de limites). Ryad achètera aussi aux Chinois des technologies de missiles et des drones.
Quant aux Émirats arabes unis, ils ont annoncé au salon IDEX 2019, des acquisitions d’armements divers à la Russie pour 5,4 milliards de dollars et notamment de systèmes anti-aériens Pantsir-ME. Les enchères montent. Autre signe de ce « rééquilibrage », le récent jeu de chaises musicales au sein des services syriens de sécurité, sous la pression de Moscou, au profit de personnalités sunnites adoubées par Ryad, contre l’influence iranienne jusque-là dominante. Même le Hezbollah prendrait quelques ordres à Moscou désormais. De là à penser que la Russie mènera pour longtemps la danse en Syrie, mais souhaite néanmoins favoriser un règlement politique ayant l’imprimatur discret de Washington, Ryad et Tel Aviv – et donc défavorable au clan Assad (le bras-droit du frère de Bachar el-Assad, Maher, putatif remplaçant, vient d’être arrêté) et à son tuteur iranien – il n’y a qu’un pas…
Ce qui ne veut pas dire que Moscou laisse tomber Téhéran. Elle s’en sert pour optimiser son positionnement entre Washington et Pékin. La Russie vient d’annoncer de prochaines manœuvres militaires conjointes. L’Iran, étouffé de sanctions, ne peut évidemment tolérer d’être empêché de livrer même de toutes petites quantités de brut qui assurent la survie politique du régime et la paix sociale. La République islamique a donc répliqué à l’arraisonnement par les Britanniques – à la demande de Washington – du Grace One près de Gibraltar le 4 juillet dernier (pétrolier transportant du pétrole brut léger) et prend la main : saisie le 13 juillet, du pétrolier MT-RIAH puis, le 19 juillet, du britannique Stena Impero…. et enfin le 4 août, par celle d’un troisième bâtiment.
Iran/Etats-Unis : qui a la main sur qui ?
Téhéran menace désormais d’interdire le Détroit d’Ormuz (un tiers du transit mondial d’hydrocarbures) dont elle partage la propriété avec Oman et les Émirats arabes unis (la passe étant par endroits trop étroite pour constituer des eaux internationales) et tolère l’usage international à certaines conditions par les seuls signataires de la Convention maritime internationale de 1982. Il est vrai que Washington met de l’huile sur le feu jour après jour et vient d’imposer illégalement de nouvelles sanctions à l’encontre du ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif- peut être l’ultime et plus compétent négociateur pouvant arrêter l’escalade – notamment pour entraver ses déplacements. Qui veut la paix ? Qui veut la guerre ? De provocations en enfantillages, certains dirigeants semblent avoir perdu tout sens de leurs responsabilités envers la paix mondiale. Car si le Détroit d’Ormuz venait à être véritablement interdit par Téhéran au passage des tankers, l’explosion du prix du brut qui s’ensuivrait serait très vite insupportable pour l’économie mondiale et une gigantesque récession surviendrait. En dépit des apparences, c’est donc l’Iran qui tient le sort des États-Unis et de l’économie occidentale entre ses mains.
La « pression maximale » crânement brandie comme un trophée par le président Trump à l’encontre de Téhéran s’exerce donc dans les deux sens. Cette folle politique de Washington qui prétend contraindre le pouvoir à élargir le spectre de l’accord sur le nucléaire de 2015 (attente parfaitement utopique ou trompeusement avancée pour provoquer un conflit) est un échec patent. Certes, Londres par la voix de son nouveau premier ministre Boris Johnson, dont le pedigree personnel dessine une possible et gravissime double allégeance, a choisi, as usual, « le Grand Large » comme en a témoigné l’arraisonnement du Grace One. L’Allemagne se montre quant à elle prudente, cherchant à ménager la chèvre et le chou et à profiter du manque de discernement de la France.
Bientôt un Yalta 2.0 ?
Paris en effet, s’oppose (pour combien de temps) à une coalition pour garantir la circulation dans le détroit d’Ormuz que demande évidemment Washington, et essaie de s’accrocher à l’Accord moribond… après avoir commis l’insigne faute d’appeler à son extension aux questions balistiques pour complaire à Washington et Tel Aviv. Nous avons donc encore une fois joué, inconsciemment faut-il l’espérer, une partition américaine qui contrevient à tous nos intérêts et précipite la guerre.
Ce focus sur l’actualité internationale du moment ne fait que manifester l’ampleur des enjeux du Yalta 2.0 qui s’annonce. Mais « le Rideau de fer » de ce nouveau partage s’est déplacé vers l’Oural, à l’extrême est de l’Europe, et cette translation met clairement la Russie dans le camp de l‘Europe. En effet, si l’Oural sépare géographiquement l’Europe de l’Asie, à sa verticale se trouvent précisément les ex-républiques soviétiques d’Asie centrale, qui font toujours partie de la ceinture de sécurité de la Russie et sont désormais convoitées par la Chine. Or, si l’Eurasie est toujours au cœur des convoitises des grands acteurs (dont les États-Unis), il est une autre opposition que nous ne voyons pas alors qu’elle devrait pourtant focaliser notre capacité d’analyse stratégique et notre action diplomatique : c’est la rivalité montante entre la Chine et la Russie pour la domination économique et politique de l’Asie centrale et même du Caucase.
Les tracés nord (Chine-Kazakhstan-sud Russie-nord Caucase jusqu’en Mer noire sur le territoire russe) et centre (Ouzbékistan-Turkménistan-Iran-Turquie) des Nouvelles Routes de la Soie visent en effet à mettre sous dépendance économique progressive les « Stans », et donc, au prétexte de la lutte contre les Ouigours musulmans, à permettre à Pékin de disposer progressivement d’un levier de déstabilisation économique et sécuritaire important sur Moscou. L’influence est aussi (et souvent avant tout) faite de capacité de nuisance.
Et l'Union européenne dans tout cela ?
En conséquence, « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural » – englobant la partie européenne de la Russie – n’a jamais été aussi nécessaire et urgente pour la sauvegarde de l’Union européenne, si cette dernière espère compter entre États-Unis et Chine et éviter le dépècement et la dévoration. Pourtant le rapprochement de l’Union européenne avec la Russie reste ignominieux, inconcevable, indéfendable à nos dirigeants piégés par une vision idéologique et faussée de leurs intérêts comme des nouveaux rapports de force du monde. C’est l’impensé, l’impensable, l’angle mort de la projection stratégique de l’Europe. Pour les élites et institutions européennes, la Russie – que l’on assimile toujours à l’URSS -, est par principe vouée aux Gémonies, l’Amérique idéalisée, le péril chinois minimisé, l’Inde ignorée, le Moyen-Orient déformé et l’Afrique sous-estimée. Les ravages de « la pensée magique » touchent malheureusement aussi la politique extérieure.
Pour entraver une dérive collective vers une nouvelle loi de la jungle internationale qui ne s’embarrassera même plus de gardes fous juridiques imparfaits, il est urgent de retrouver les bases d’une coexistence optimale entre les grands acteurs et ensembles régionaux. Urgent surtout de cesser de croire en la chimère d’un magistère moral occidental ou simplement européen qui a volé en éclats. Dans un saisissant paradoxe, le dogmatisme moralisateur ne passe plus la rampe et une révolution pragmatique et éthique de la pensée stratégique occidentale s’impose. La France peut encore en prendre la tête et entrer en cohérence avec elle-même pour se protéger, compter et convaincre.
Il est temps de revenir a une politique plus réaliste avec la Russie
Par Hubert Védrine *
Propos recueillis par Eugénie Bastié et Guillaume Perrain
Le 19 aout, Emmanuel Macron recevra Vladimir Poutine à Brégançon, avant le G7 de Biarritz. Comment analysez-vous ce geste ?
Hubert Védrine. – C’est une tentative très ulile pour sortir la France et si possible l'Europe d'une impasse, d'une guerre de positions stérile engagée depuis des années, avec des torts partagés des deux côtés, notamment depuis le troisième mandat de VJadimir Poutine, et qui a abouti à une absurdité stratégique : nous avons des rapports plus mauvais avec la Russie d'aujourd'hui qu'avec l'URSS pendant les trois dernières décennies de son existence! Ce n'est pas dans notre intérêt. Essayer d'entamer un processus différent m'apparaît très justifié, même s'il ne faut pas attendre de cette rencontre des changements immédiats. La date choisie par Emmanuel Macron pour ce geste est très opportune : il reçoit Vladimir Poutine juste avant le G7 de Biarritz, qu'il préside. Le G7 était devenu G8, mais la Russie en a élé exclue en 2017 à la suite de l’annexion de la Crimée. Tout cela aurait pu être géré autrement. La volonté américaine d’élargir l’Otan à l’Ukraine était malencontreuse, mais il faut regarder l’avenir.
Certains évoquent une « complaisance du président français à l’égard d’un autocrate ?
Ce genre de propos ne conduit à rien. L'Occident a été pris d'une telle arrogance depuis trente ans, d'une telle hubris dans l'imposition des valeurs au reste du monde, qu'il faut réexpliquer le b.a.-ba des relations internationales: rencontrer ce n' est pas approuver; discuter, ce n’est pas légitimer ; entretenir des relations avec un pays. œ n'est pas être «amis » C'est juste gérer ses intérêts. Il faut évidemment que la France entretienne des relatioons avec les dirigeants de toutes les puissances, surtout quand est en jeu la question cruciale de la sécurité en Europe, aJors que les grands accords de réduction des armements conclus à la fin de la guerre froide par Reagan puis Bush et Gorbatchev sont abandonnés les uns après les autres et ne sont encore remplacés par rien. Cette rencontre n'indigne que de petits groupes enfermés dans une attitude de croisade antirusse. Ils ne proposent aucune solution concrète aux problèmes géopolitiques et se contentent de camper dans des postures morales inefficaces et stériles.
« L’idée libérale est devenue obsolète », a déclaré Poutine au Financial Times. Que pensez de pareille déclaration ?
Depuis le début de son troisième mandat, Vladimir Poutine aime les provocations, assez populaires dans son pays. Durant ses deux derniers mandats il avait tendu la main aux occidentaux qui ont eu le tort de ne pas répondre vraiment. Même Kissinger pense ça ! Poutine est loin d’être le seul à contester l’hégémonie libérale occidentale. D’autres l’ont théorisé avant lui, notamment plusieurs penseurs asiatiques de la géopolitique. Eux considèrent même, à l’instar du Singapourien Kishore Mahbubani, que nous vivons la fin de la « parenthèse » occidentale. Je préfère quant à moi parler de la fin du « monopole » occidental sur la puissance et les valeurs. Par ailleurs, on ne serait pas aussi vexé et ulcéré par les déclarations de Poutine si les démocraties occidentales n’étaient pas contestées de l’intérieur par les populismes, sous-produit de la perte de confiance des peuples dans les élites qui ont la mondialisation et l’intégration européenne. Poutine ou pas, il faut trouveer à ce défi des réponses chez nous, par nous-mêmes.
Plusieurs centaines d’opposants ont été arrêtés lors de manifestations réclamant des élections libres. N’est-ce pas le signe d’un durcissement préoccupant ?
Les Occidentaux se sont fait des illusions sur une démocratisation rapide de la Russie, illusions comparables à celles qu’ont eues les Américains sur l’entrée de la Chine à l’OMC en 2000, qui allait selon eux apporter mécaniquement la démocratie libérale. Ce n’est pas ce qui s’est produit : loin de se transformer en démocrates scandinaves, les Russes sont restés… russes. On leur en veut pour cela. Ce n’est ni un un régime démocratique à notre façon ni une dictature comme avant. Une partie der l’opinion occidentale enrage, mais, c’est ainsi : nous ne changerons pas la Russie, elle évoluera d’elle-même, à son propre rythme et selon sa manière. Nous nous sommes beaucoup trompés : il est temps de revenir à une politique plus réaliste tout en souhaitant publiquement un meilleur respect des règles électorales et démocratiques. Cela ne devrait pas empêcher, au contraire, un dialogue musclé avec Vladimir Poutine sur toutes ces questions et tous les sujets de désaccord ou d’inquiétude. Mais, pour cela, il faut qu’il y ait un dialogue régulier.
Précisément, comment devraient évoluer les relations entre l’Europe et la Russie ? La France a-t-elle un rôle particulier à jouer ?
L’objectif très juste, formulé à plusieurs reprises par Emmanuel Macron, est de « réarrimer la Russie à l’Europe » et donc de corriger la politique occidentale inconséquente des dernières années qui a poussé la Russie vers la Chine. Notre relation doit être exigeante et vigilante sans être vindicative et prosélyte. Il faut établir, ou rétablir, de bons rapports de force dans les domaines militaires, spatial et numérique. Mais aussi redevenir pragmatiques car nous aurons toujours à gérer les relations de voisinage avec la Russie. Et donc parler, discuter, négocier, faire des propositions. L’urgence est celle de la sécurité : il faut rebâtir, en repartant presque de zéro, une politique de contrôle des armements et de désarmement équilibrée. Je pense que nous avons bien d’autres terrains de coopération : la lutte contre le terrorisme islamiste, mais aussi l’écologisation de nos économies, enjeu principal du 21e siècle. Macron essaye, et il a raison. S’il arrive à déclencher un processus, d’autres pays européens suivront, et il pourrait y avoir un effet d’entraînement plus large. Il faut réinventer nos rapports avec la Russie sans attendre Trump, qui, s’il est réélu, réenclenchera une dynamique entre les Etats-Unis et la Russie sans tenir aucun compte des intérêts de l’Europe.
(*) Hubert Védrine est l'ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Lionel Jospin de 1997 à 2002. Il a été secrétaire général de l'Elysée de 1991 à 1995.
Cet article traite du domaine des rivalités pour les ressources et les emplacements stratégiques à travers le monde. En outre, l'article explique également comment les imaginations géopolitiques contrastées dans la politique mondiale créent un vide dynamique qui alimente la concurrence vicieuse.- Rahim
Par Shahzada Rahim : un étudiant de troisième cycle qui porte un vif intérêt pour l'écriture sur l'histoire, la géopolitique, l'actualité et l'économie politique internationale.
On dit souvent que la géopolitique et la mondialisation sont les deux faces d'une même pièce, mais avec des attributs différents. L’histoire de ces deux acronymes remonte à une date très ancienne jusque l’époque antique romaine et grecque. Aujourd'hui, le paysage géopolitique et celui de la mondialisation ont dépassé la terre et la mer pour atteindre l'espace extra-atmosphérique. De nombreux chercheurs estiment que la mondialisation et la géopolitique sont chacune l'antithèse l’une de l’autre et englobent différents modes de pouvoir. Alors que la mondialisation nous parle des vertus et des valeurs universelles, la géopolitique, quand à elle, nous parle de vices et d’intérêts réalistes injustifiables.
À l’aube du XXe siècle, un nouveau débat mondial s’est ouvert entre d’une part le « Déclin de l’Ouest » d’Oswald Spengler et, d’autre part, la « Civilisation » d’Arnold Toynbee. Le livre de Spengler était rempli de déclarations audacieuses qui prétendaient prédire l’histoire à venir. Ce que Spengler disait : « Le déclin de l’Ouest classique est inévitable comme l’histoire elle-même ; les symboles de la culture naturelle dégénéreront en une décadence matérielle semblable à celle du cycle de vieillissement humain ». Mais lorsque Toynbee écrivit : « Une étude de l’histoire » dans les années 1930, il remplaça l’attitude d’avertissement de Spengler faite de clairvoyance et de déterminisme par l’idée d’agencement [réponses aux défis]. Fondamentalement, Toynbee propose deux options engageant soit une adaptation, soit un fondamentalisme inflexible.
Ce fut peut-être le premier débat passionné faisant allusion à la compétition imminente entre la géopolitique et la mondialisation. Ce que Toynbee disait, c’était : « Une nouvelle civilisation occidentale hégémonique a tenu entre ses mains le destin de toute l'humanité ». En effet, la prétention de Toynbee se révèle en faveur de la « théorie du monde plat » de Thomas L. Friedman, qui affirme que la mondialisation avec la plus grande économie de marché est le destin du monde. Néanmoins, force est de constater que la géopolitique et la mondialisation sont dictées par deux forces éternelles : la peur et la cupidité.
C'était le célèbre scientifique allemand géopolitique Frederick Ratzel, qui a déclaré très clairement, à l'aube du XXe siècle, qu ' »il fallait que les empires se développent pour survivre ». C'est Rudolf Kjellen, l'élève de Ratzel, qui a inventé le mot "Géopolitik", qui fait référence à la géographie pure remplie de ressources naturelles massives. De même, le célèbre géographe britannique Harford Mackinder a appelé la géopolitique le cycle de la vie de l'organisme mondial. Le célèbre historien français Ferdinand Braudel a qualifié la géopolitique de "longue durée". De nos jours, la géopolitique et la mondialisation sont les phénomènes les plus révolutionnaires de la politique mondiale. Leurs principales préoccupations sont les ressources, le pouvoir, la stabilité et les conflits.
Fondamentalement, la géopolitique visait principalement à capturer des positions géographiques stratégiques, des ressources et des économies, alors que la mondialisation tentait initialement de définir le monde en tant qu’organisme unique enchevêtré dans la toile d’araignée des connexions s’étendant de l’économie aux ressources. C’est ce qui ressemble aujourd’hui à la géopolitique du XXe siècle avec des impacts variés sur la géographie et l’idéologie.
En conséquence, dans les années 1990, un nouveau grand débat s’est ouvert entre les visions contrastées de "La fin de l’histoire" de Francis Fukuyama et le "Clash de civilisation" de Samuel P. Huntington - les visions contradictoires de l’utopisme et du fatalisme. Au fond, Francis Fukuyama a présenté sa thèse de "Fin de l’histoire" marquant la fin des guerres idéologiques et a donné la vision du nouveau millénaire en tant que mondialisation de l’ordre libéral. Sa théorie divise le monde en trois zones, soit le Premier Monde (mondialisé), le Deuxième Monde (partiellement mondialisé) et le Tiers Monde (non mondialisé). Ce que Fukuyama a affirmé, c’est que les idéaux chéris du Premier Monde domineront les sphères sociopolitiques du Deuxième et du Tiers Monde au travers d’une universalisation orientée libérale.
Pour Huntington, avec le début du nouveau millénaire, le monde évoluera vers un paradoxe des civilisations : une nouvelle rivalité entre les civilisations commencera entre l’Est et l’Ouest, englobant les idéaux mêmes de l'identité, des traditions et de la religion. Dans le poème de Shelley "Ozymandias", la mort est le destin de toute chose - les civilisations s’affrontent souvent et finissent toutes par mourir. Selon Huntington, la civilisation occidentale est moderne et scientifique, tandis que la civilisation orientale est encore entravée par la pauvreté et le mysticisme. De ce fait, l'expansionnisme plus large des valeurs universelles occidentales éclairées pourrait entrer en conflit avec les habitudes traditionnelles et arriérées de l'Est. Mais, pour Fukuyama, rien ne peut arrêter l'expansionnisme d'un ordre libéral fondé sur un marché libre à l’échelle du monde. Pour être plus précis, Fukuyama a ouvertement déclaré le triomphe de l'ordre démocratique libéral comme le destin du nouveau millénaire. Il avança que « ce dont nous sommes peut-être témoins n’est pas la fin de la guerre froide, mais la fin de l’histoire en tant que telle ; c’est-à-dire le point final de l’évolution idéologique de l’homme et de l’universalisation de la démocratie libérale occidentale ».
En revanche, si l’on prend en compte l’imaginaire géopolitique des Lumières occidentales, c’est principalement l’aspect impérial qui a pesé sur la concurrence physique et biologique pour obtenir des gains relatifs. De même, le contexte géopolitique au sens de Montesquieu et de Voltaire en référence à Alexandre le Grand se limitait principalement à l'échange de lieux et à la redistribution des ressources. Mais à l'ère de la mondialisation, la géopolitique est devenue brutale et avide de contrôler la géographie et les ressources du monde. Par conséquent, nous ne vivons pas à l’ère de la mondialisation, mais plutôt à l’ère vicieuse de la géopolitique de la mondialisation, où le monde oscille entre géopolitique et mondialisation.
Ces propos sont du général (2s) Vincent Desportes, très apprécié sur ce site. Ils ont été recueillis par Isabelle Lassere, du Figaro. Disons seulement que le général s'illusionne un peu sur la capacité des Européens d'échapper à l'influence américaine.
LE FIGARO. - On a peu parlé de défense pendant la campagne des européennes. C'est pourtant un enjeu crucial pour l'avenir du continent. Est-ce grave ?
Général Vincent DESPORTES. - Oui, parce que l'Europe ne peut pas se construire seulement sur ses dimensions économique et sociale. Si elle n'est pas capable de défendre ses citoyens, elle ne sera pas crédible. Or, désormais, pour des raisons financières en particulier, les systèmes de défense des nations moyennes ne peuvent construire leur cohérence qu'au niveau supranational.
Cette atonie européenne est-elle similaire à celle qui existe avec l'écologie ?
Les Européens commencent à être sensibles au problème écologique, mais ils ne s'en saisissent pas. En matière de défense, ils n'ont pas encore pris conscience de l'importance du problème. Pourquoi ? Parce qu'ils pensent toujours vivre dans le monde d'hier, celui des bons sentiments. Ils ne voient pas venir ce monde de violences qui montent et qui sera dominé par les rapports de force. Les Européens se croient toujours protégés par le parapluie américain. À tort : il a longtemps été fiable mais il ne l'est plus.
Les attentats terroristes n'ont-ils pas réveillé la sensibilité européenne à la dangerosité du monde ?
En partie, si. Mais les principaux enjeux vont bien au-delà. Je pense notamment au grand affrontement déjà en cours entre les États-Unis et la Chine, qui s'affirme comme la nouvelle puissance impériale. Dans les années qui viennent, les relations internationales seront basées sur la puissance ; l'Europe doit se doter de ses attributs pour faire rempart à la Chine et faire part égale avec son ancien allié. Elle doit absolument reconstruire sa puissance, condition de son autonomie.
Que faut-il faire concrètement ?
L'Europe doit être capable de jouer son rôle dans le monde et de participer au maintien des grands équilibres. Elle ne pourra le faire que si elle détient la puissance militaire. Car la voix des nations ne porte qu'en fonction du calibre de leurs canons ! Si la France compte davantage que les autres pays, c'est justement parce qu'elle a une armée digne de ce nom. Si l'Europe est aphone, c'est parce qu'elle ne s'est pas dotée des moyens de la puissance.
Vous évoquez la possibilité d'un conflit sino-américain. Mais une confrontation entre les États-Unis et l'Iran ne pourrait-elle pas intervenir avant ?
À court terme, si l'on exclut le terrorisme, il existe d'autres zones de tension, notamment la région du Golfe et la péninsule nord-coréenne. Mais ce sont des conflits de petite ampleur par rapport aux grands enjeux qui s'annoncent. Personne n'a intérêt à ce que l'opposition entre l'Iran et les États-Unis se transforme en une guerre ouverte. Il semble en revanche écrit que le conflit de puissance entre la Chine et les États-Unis sera la grande histoire de demain...
À quoi sert encore l'Otan ?
L'alliance avec les États-Unis ressemble à celle qui unissait Athènes aux cités helléniques. L'Otan est une alliance sur laquelle règnent de manière hégémonique les Américains, qui offrent leur protectorat en échange de la vassalisation de leurs alliés. Le problème, c'est que ce protectorat n'est pas fiable. De Gaulle le disait déjà quand il affirmait qu'il fallait une armée française car le parapluie américain n'était pas suffisamment fiable. Il l'est encore moins aujourd'hui. L'Alliance est un leurre. Elle affaiblit les Français, car elle ne leur permet pas de parler au monde et de défendre leurs valeurs. Il faut sortir de l'illusion que les outils d'hier sont toujours pertinents pour le monde de demain.
L'Alliance atlantique peut-elle mourir ?
L'Otan est devenue une menace pour les pays européens. D'abord parce qu'elle est un outil de déresponsabilisation des États qui ne se croient plus capables d'assumer leur défense. Ensuite parce que son existence même est un outil de maintien et de renaissance des tensions en Europe. Il est temps que l'Otan soit remplacée par la défense européenne. La meilleure chose qui pourrait arriver à l'Alliance, c'est que les États-Unis s'en retirent. Ils placeraient ainsi l'Europe devant la nécessité d'avancer. Tant que l'Europe stratégique ne sera pas construite, le continent restera un protectorat à qui les États-Unis dictent leurs règles, comme le principe d'extraterritorialité dans l'affaire des sanctions contre l'Iran.
Pourtant, les pays de l'Est, notamment la Pologne, ne jurent toujours que par elle...
On peut comprendre que les Polonais croient être défendus par les États-Unis. Mais ils ont commis la même erreur en 1939, quand ils ont cru que la France viendrait les défendre s'ils étaient attaqués par les Allemands... Pourquoi les États-Unis sacrifieraient-ils Washington pour Varsovie si la Pologne était attaquée par la Russie ?
Parce qu'ils ont déjà traversé deux fois l'Atlantique pour sauver l'Europe...
Oui, mais ce n'était pas la même époque. Le nucléaire a complètement changé la donne. C'est la raison pour laquelle de Gaulle a voulu doter la France de la bombe atomique. La seule Europe qui vaille pour les États-Unis, c'est une Europe en perpétuel devenir. Ils ont toujours poussé pour les élargissements, y compris vis-à-vis de la Turquie. Mais la culture européenne est trop riche pour se limiter à ce qui en a été fait aux États-Unis. Le continent européen est celui de la philosophie et des Lumières, il a aussi été meurtri par la guerre. Il faut qu'à la puissance prédatrice américaine on puisse opposer une Europe capable de raisonner un monde qui ne l'est plus par les institutions internationales, qui ont été créées en 1945 ! S'appuyer sur les solutions d'hier pour construire le monde qui vient est dangereux et mortifère.
Vous semblez davantage craindre les États-Unis, qui malgré Trump restent notre partenaire et une démocratie, que la Russie qui cherche à diviser l'Europe.
L'Amérique n'est pas maligne comme un cancer. Mais quand elle n'est pas régulée, elle a tendance à imposer ses intérêts avant tout. Elle se détache par ailleurs de sa grand-mère patrie l'Europe pour se tourner vers le Pacifique. Quand ce processus sera achevé, l'Europe se trouvera bien démunie. Je pense que la Russie doit être intégrée à l'espace européen et que nous devons faire en sorte qu'elle ne soit plus une menace. L'avenir de l'Europe est eurasiatique, pas euro-atlantique. Nous avons, nous Occidentaux, contribué à faire ressurgir la menace russe. Nous avons raté l'après-guerre froide car nous n'avons pas réussi à réintégrer la Russie dans le jeu des démocraties.
L'armée européenne dont parle Emmanuel Macron, qui a provoqué des grincements de dents à l'Est et à l'Ouest, est-elle un gros mot ? Ou peut-elle être un objectif pour le futur ?
Elle ne peut pas exister aujourd'hui. Mais il faut assurer le plus vite possible la défense de l'Europe par l'Europe et pour l'Europe. Il faut créer un noyau dur capable de doter le continent d'une autonomie stratégique et capacitaire. Nous ne pouvons pas attendre la fin des divisions, notamment entre l'Est et l'Ouest, pour agir.
Elections européennes. Refus grandissant de l'Europe sous sa forme actuelle
par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
Les gains substantiels en voix des deux mouvements politiques stigmatisés respectivement sous le nom de populistes et d'extrême droite, lors des élections européennes du 27 mai, montrent un refus grandissant de l'Union européenne (UE) sous sa forme actuelle.
Celle-ci avait depuis longtemps fait illusion. Beaucoup y voyaient un effort pour faire de l'Europe une grande puissance mondiale, susceptible de se battre avec succès contre l'Empire américain et la montée en puissance de la Chine, désormais première puissance économique.
Mais c'était ne pas voir que du temps de la force des Etats-Unis, ceux-ci avaient considéré l'UE comme un ensemble vassal dans leur lutte contre la Russie. Une majorité d'Européens refusent encore de l'admettre, assujettis sous une forme ou une autre aux intérêts américains. Dans un nombre grandissant d'Etats européens cependant, le nombre des citoyens qui refusent cet assujettissement ne cesse d'augmenter. Ils cherchent à faire de l'UE, sous sa forme actuelle ou mieux sous une forme renouvelée, un véritable instrument de prise d'indépendance et de puissance.
Mais dans quels domaines et pourquoi faire ? Les « populistes », qu'il vaudrait mieux nommée souverainistes, qui sont déjà au pouvoir en Italie et dans quelques pays d'Europe centrale, ne refusent pas a priori l'UE, mais veulent la subordonner aux objectifs qu'ils se donnent en matière de souveraineté économique nationale et de politique internationale, incluant un rapprochement avec la Russie. Quant aux partis souverainistes dits d'"extrème droite", tel le Rassemblement National en France, leurs objectifs ne sont guère différents. On ajoutera la nouvelle importance des partis dits Verts qui ont gagné des sièges au Parlement du fait de l'absence constatée, malgré ses affirmations, de toute préoccupation écologique au sein de l'UE.
D'ores et déjà, les Conservateurs de la droite, du centre ou des partis se disant socialistes, au pouvoir dans les principaux Etats de l'UE, tentent de dissimuler leurs reculs, sinon leur défaite. Ils feignent de faire comme si ce refus marqué de leurs politiques européennes ne nécessitait pour satisfaire l'électorat de demain, que quelques réformes mineures. Mais les « populistes », l' « extrême droite » et les Verts ne feront aucun progrès dans l'opinion s'ils ne présentent pas clairement ce en quoi ils transformeraient l'UE, tant dans ses objectifs que dans sa forme, s'ils étaient au pouvoir.
Concernant les objectifs, il est clair que l'UE ne survivra que si elle est capable de proposer et faire appliquer un grand programme commun et obligatoire, convenablement financé, de lutte contre le réchauffement climatique et la dégradation environnementale. L'autre domaine prioritaire sera la volonté de prise d'indépendance à l'égard de Washington, dans tous les domaines où l'Europe serait capable de mieux faire que les Américains si elle échappait à leur tutelle.
Ceci devrait se marquer en premier lieu par une politique de défense véritablement européenne, qui impliquerait sans doute un refus de l'Otan. Il faudrait dans le même temps rechercher de nouvelles relations avec la Russie, la Chine, et sans doute aussi l'Inde et les principaux Etats africains. Ces relations se traduiraient par des coopérations réciproques sur un pied d'égalité et non par des volontés d'affrontement ou d'ignorance volontaire, d'ailleurs vouées à l'échec, comme les Etats-Unis l'imposent aujourd'hui aux Européens.
Solutions institutionnelles
Concernant la forme qu'adopterait une nouvelle UE capable de mener de telles politiques, il est clair qu'une UE à 28 Etats-membres, dont la moindre mesure commune exige l'accord de tous, condamne l'UE à l'impuissance. De même la présence d'une Commission européenne qui s'est attribué tous les pouvoirs régaliens définis par les traités, notamment en termes diplomatiques et économiques, fait le jeu des Etats-Unis. Ceux-ci ont dès les origines placé des agents discrets mais influents, appuyés par les dollars de la CIA, dans tous les groupes de travail et de décisions importants.
Des formules d'union à quelques membres véritablement volontaires pour agir ensemble dans les principaux domaines où l'Europe doit s'affirmer, sont indispensables. On peut en trouver des exemples dans ce que l'on nomme actuellement des Agences, telle l'Agence spatiale européenne. Le nombre de telles structures, travaillant dans la plus grande transparence possible, pourrait être considérablement augmenté. Elles incluraient selon les domaines un certain nombre d'Etats non membres de l'UE, intéressés par une coopération avec les Européens.
Inutile de préciser que le refus grandissant actuel de l'UE sous sa forme actuelle ne débouchera sur aucune de ces solutions si la majorité des citoyens européens et des forces vives du continent ne se persuadent pas de leur nécessité. Ceci se fera d'autant moins que les ennemis de l'indépendance européenne, disposant des ressources des principaux médias, continueront à les persuader que l'UE, telle qu'elle est aujourd'hui, ne peut être modifiée.
Note
Il va de soi que dans les perspectives évoquées ci-dessus, le Parlement européen serait conservée, mais son rôle serait seulement consultatif et de discussion. Il financerait des études et formulerait des recommandations. Chaque Etat y disposerait d'un nombre de sièges proportionnel à sa population.
Les élections européennes de dimanche seront particulièrement sans conséquence. Le vote ne décide rien du tout, parce que le Parlement européen représente bien peu. En outre, le système de l’UE, qui décide presque tout ce qui est fondamental pour les politiques des États membres, ne fait pas l’objet d’un vote. La politique économique et monétaire est décidée par les banques, la BCE et la Commission, la politique étrangère et de sécurité reste du ressort du Pentagone par le biais de l’OTAN, et le cadre général est déterminé par des traités européens qui sont protégés par leur principal bénéficiaire, l’Allemagne, afin qu’ils ne puissent être modifiés. La comédie est manifeste.
Le grand Parti Néolibéral Unifié Européen (PNUE), avec ses deux grandes tendances, les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates, présente ces élections comme une question de vie ou de mort, de guerre ou de paix, dans des tons grandioses, qui contraste vivement avec leur manque de pertinence absolue. Tout le monde parle « d’élections décisives », de libéraux contre les autoritaires et de « pro-européens » contre « anti-européens ». Il semble que la civilisation elle-même soit en jeu.
Le parti de Macron nous présente une affiche représentant les Trümmerfrauen, les femmes allemandes qui, en 1945, ont ramassé les décombres de leurs villes détruites. Le parti de Merkel nous offre une photo en noir et blanc des ruines du Reichstag à Berlin la même année, en contraste avec une photo en couleur du même bâtiment déjà restauré et avec un couple prenant un selfie, avec le message : « La paix n’est pas une évidence« .
Des manifestations « européistes » (sociaux-démocrates, les verts et même Die Linke) ont eu lieu dimanche dans sept villes allemandes sous le slogan : « Une Europe pour tous : votre vote contre le nationalisme« . « Les nationalistes et les extrémistes de droite veulent mettre fin à l’UE et renforcer le nationalisme« , déclare le manifeste. C’est un message doublement déroutant, d’abord parce que le nationalisme (exportateur allemand) domine déjà depuis longtemps l’UE et ensuite parce que, selon les sondages, les ultras seront loin de décider quoi que ce soit au Parlement européen : pas beaucoup plus de 100 députés sur un total de 751, selon le Frankfurter Allgemeine Zeitung. Toute cette hystérie n’est pas grave. La domination du PNUE est garantie par le prochain Parlement européen, qui de toute façon ne décide pratiquement rien.
La « plus grande Europe » des soi-disant « pro-européens », c’est-à-dire le transfert de plus de compétences et de pouvoir au système de l’UE, signifie arracher la petite démocratie qui reste dans les États-nations pour gonfler des institutions qui ne sont soumises à aucun contrôle citoyen. Et c’est précisément ce qui engraisse « l’anti-européanisme », de sorte que « plus d’Europe » équivaut à s’abonner à un nationalisme réactif qui est souvent extrême. Au milieu de cet amalgame, le seul résultat clair est que l’UE du PNUE devient plus sombre, plus xénophobe, plus militariste et plus sensible à l’extrême droite, comme on le voit déjà.
Comme l’a expliqué Oskar Lafontaine, la chancelière Merkel a tout dit dans son dernier discours électoral, samedi à Zagreb. Rien n’a été oublié. L’Europe est « un projet de paix » (c’est pourquoi nous collaborons aux guerres américaines au Moyen-Orient et en Afghanistan, nous réarmerons et enverrons des troupes en Afrique), « un projet de liberté » (c’est pourquoi nous sommes si résolument engagés dans la liberté de Julian Assange), « et un projet de bien-être » (c’est pourquoi la Grèce et les autres pays du Sud comme l’Espagne, l’Italie et le Portugal subissent les réductions sociales et salariales imposées par le nationalisme exportateur allemand).
« Le nationalisme est l’ennemi du projet européen », déclare Mme Merkel, qui a raison pour une fois sans faire référence au sien.
« Quand nous défendons nos intérêts, nous savons comment nous mettre à la place des autres », dit la chancelière, qui a critiqué l’héritage de Willy Brandt de politique de sanctions et de confrontation avec la Russie, précisément parce qu’elle ignore les intérêts de ce pays. Est-ce du cynisme ou de la cécité, se demande Lafontaine ?
Et le pire, c’est que toute cette grande comédie peut exploser à tout moment. Le secteur financier n’est toujours pas réglementé. Les systèmes de garantie n’en sont qu’à leurs balbutiements et si les banques reviennent à exploser, il n’y aura nulle part où trouver l’argent, prévient avec son bon sens l’économiste terrifié Frédéric Lordon, qui cite le diagnostic de Thomas Piketty :
« Nous risquons de relancer 2008 mais en pire ».
Les citoyens pourront-ils supporter à nouveau une crise et avec plus d’intensité ? C’est là que l’on revient sur l’importance des gilets jaunes, le mouvement social français.
Après plus de six mois, des dizaines de milliers de Français continuent de se mobiliser chaque samedi. Dernièrement, la participation a diminué. Et alors ? Tout le monde n’est pas prêt à risquer sa vie. Fin avril, les dégâts causés par le mouvement étaient les suivants : un mort, 248 blessés à la tête, 23 personnes ayant perdu un œil, 5 personnes mutilées aux mains ou aux doigts, des milliers arrêtées et des dizaines de milliers gazées et maltraitées par une violence policière inhabituelle qui ne respecte ni journalistes ni vétérans.
La police de Macron a utilisé des grenades explosives anti-émeutes (GLI-F4) et des projectiles en caoutchouc (LBD40) qui ont permis à Amnesty International, à la Ligue des droits de l’homme et à la Commission des droits de l’homme des Nations unies dirigée par Michelle Bachelet de se positionner. La réaction des médias français à l’alarme de Bachelet a battu tous les records de pathos. Macron tente de renforcer le pouvoir exécutif et d’institutionnaliser une sorte d’état d’urgence policière permanent avec une majorité parlementaire aussi écrasante qu’il y paraît, car son soutien social est faible.
Six mois plus tard, des millions de Français, qui ne descendent pas dans la rue, soutiennent ce mouvement malgré la forte pression médiatique dont ils ont fait l’objet, les élections européennes vont-elles changer cette situation ? La réponse est un « non » retentissant. Le danger d’un nouveau krach financier perdurera et le précédent d’une mobilisation sociale française potentiellement contagieuse se poursuivra également.
« Le mouvement des Gilets Jaunes n’a plus de débouché politique », a dit M. Macron.
Comme Merkel, le président français a raison quand il a tort, parce que lorsque les banques chuteront à nouveau, nous pourrions voir ce mouvement décider – non pas aux urnes, mais dans la rue – d’une crise de régime en France et se propager sur tout le continent. Le fusible est allumé et ces élections ne changent rien à cette situation.
La réélection de Narendra Modi en Inde réjouit la Chine
par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
Narendra Damodardas Modi est membre du Bharatiya Janata Party BJP, un parti nationaliste hindou qui se réfère à l'Hindutva, il est Premier ministre de l'Inde depuis le 26 mai 2014. A la tête du BJP, il a remporté le 21 juin 2019 les élections législatives, pour un second mandat de cinq ans. Il sera donc à nouveau Premier ministre.
On aurait pu penser que la Chine, très grande puissance voisine, aurait considéré ce succès avec circonspection. Modi a longtemps été proche des Etats-Unis et a accepté d'eux des aides militaires importantes. Aujourd'hui encore, il évoque le Cependant, ces dernières années, il s'était rapproché de la Chine, ainsi d'ailleurs que de la Russie, au sein d'une démarche géopolitique commune dans le cadre du Brics. Sa réélection satisfait les commentateurs politiques en Chine.
On y rappelle que Modi avait rencontré dans des sommets informel l'année dernière respectivement Xi Jinping à Wuhan et Vladimir Poutine à Sochi. Ils s'étaient respectivement rendu compte qu'ils pouvaient travailler ensemble de façon constructive. Modi avait par la suite compris qu'il pouvait très bien séparer la coopération économique de conflits politiques éventuels. Ainsi il avait rejoint récemment l'Asian Infrastructure Investment Bank malgré l'opposition des Etats-Unis et du Japon, tout en réaffirmant une politique stricte de non-alignement.
Lors des affrontements récents entre l'Inde et le Pakistan, Pékin avait joué un rôle modérateur apprécié en rappelant aux deux pays qu'ils pouvaient et devaient coopérer dans le domaine du commerce, de l'économie et de la lutte contre le terrorisme islamique, notamment comme membres l'un et l'autre de l'Organisation de Coopération de Shanghai. Le développement constant du commerce entre l' Inde et Chine, Delhi diminuant progressivement son déficit, est un puissant facteur de rapprochement. Il en est de même de leur participation commune au sein du Financial Action Task Force , organisation internationale dont le siège est à Paris et dont l'objectif est de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.
On sait par ailleurs que la Chine et l'Inde partagent désormais des politiques communes de contrôle des naissance, afin d'éviter de voir leur population d'environ 1 milliard de personnes chacun, déjà excessive au regard des ressources actuelles, s'accroître encore. Ceci sera un puissant facteur de rapprochement en terme philosophique et religieux.
Une nouvelle fois, nous devons regretter que les Européens ne cherchent pas suffisamment à développer de liens politiques et économique « gagnants-gagnants » au sein du couple formé dorénavant par Delhi et Pékin. Ceci serait certainement bien accueilli de part et d'autre.
« Le ciel et l’océan d’Asie sont assez grands pour que le dragon et l’éléphant dansent ensemble, ce qui amènera à une véritable ère asiatique », a dit un diplomate chinois à la Conférence sur les Nouvelles routes de la Soie à Bombay en 2017[1]. Démontrant ainsi l’importance pour la Chine d’une participation indienne qui légitimerait la devise de Xi Jinping : « l’Asie pour les Asiatiques ».
Il y a quelques années, la « One Belt One Road », a pris le nom de « Belt Road Initiative », afin de corriger l’impression d’une route unique qui courrait à travers l’Eurasie et l’Océan Indien[2]. Cette initiative est le plus souvent dénommée « Nouvelles routes de la Soie » en français. Il s’agit en réalité d’un réseau de coopération régional, initié par les Chinois, avec des projets d’envergure mondiale, qui devrait traverser 65 pays. Ces projets de connectivité et d’infrastructure cherchent à connecter la Chine à ses voisins asiatiques, et d’accéder à l’Europe via l’Asie Centrale et l’Océan indien. Pour ce faire, voies ferroviaires, routes et ports devraient être construits ou modernisés. Il s’agit en réalité de rassembler en un grand programme différentes initiatives qui lui précèdent. Pour autant, les discussions se font principalement sur un mode bilatéral[3].
L’Inde se trouve directement sur les Nouvelles routes de la Soie. Pour certains[4], il s’agit d’une opportunité pour l’Inde, qui serait à même de choisir les projets qui créeraient des bénéfices durables (notamment dans le Nord-Est de l’Inde), tout en rejetant ceux qui seraient entièrement à l’avantage de la Chine. « L’éléphant » serait en effet l’un des rares pays à avoir une économie et un régime politique suffisamment forts pour résister aux désirs hégémoniques du « dragon ».
Cette vue n’est néanmoins pas celle de la majorité des hommes politiques indiens, qui s’inquiètent aujourd’hui des conséquences de cette poussée chinoise. En effet, les Nouvelles routes de la Soie menacent directement l’Inde sur son territoire, et semblent se resserrer en étau autour du pays. L’Inde attaque la Chine sur son manque de transparence avec le soutien européen, américain, et asiatique et africain dans une certaine mesure, mais il est peu probable que cela suffise, d’où le lancement d’initiatives indiennes et de coopérations dans la région.
I/ Un passage controversé par le Cachemire et un encerclement régional
Le projet est particulièrement controversé sur la partie nord-ouest de l’Inde avec le « China Pakistan Economic Corridor » (CPEC). Ce projet de couloir économique est constitué de prêts et d’investissements qui pourraient atteindre la somme de 60 milliards de dollars, sur une distance de 2700 km[5]. Ce réseau est un ensemble d’autoroutes, de lignes ferroviaires, d’oléoducs, de ports, et de parcs de technologie de l’information[6]. Il s’étend de la préfecture de Kashgar (dans la région chinoise du Xinjiang) jusqu’au port de Gwadar (province du Baloutchistan au Pakistan), permettant un accès à la mer d’Arabie. Or, ce couloir passe par un territoire indien et occupé illégalement par le Pakistan depuis de nombreuses années[7]. Si l’on peut considérer, comme le fait Talmiz Ahmad[8], que cela permettra de développer le Pakistan et donc de réduire les causes de l’extrémisme, il n’en demeure pas moins que la souveraineté de l’Inde est mise à mal, et cela renforce la position du Pakistan sur ce territoire. Il ne faut pas oublier que la Chine estime avoir droit au Ladakh, dans la région du Jammu et Cachemire, ce qui rend les Indiens d’autant plus soupçonneux vis-à-vis du CPEC. En outre, et nous y reviendrons, le risque persiste de voir les Chinois transformer ces installations civiles en base navale militaire.
Ce projet a rencontré de nombreuses critiques au sein même du Pakistan, notamment car il risque de réveiller des tensions entre le centre et les unités fédérées, mais aussi au sein mêmes des provinces. Cela est dû aux inégalités que le CPEC risque de causer en ce qui concerne le développement économique et la distribution des ressources[9]. Il est par ailleurs probable que le Penjab pakistanais soit le principal bénéficiaire des projets d’infrastructure et industriels, alors même qu’il s’agit déjà de la province la plus riche et la plus influente du pays sur le plan politique. Mais même là, les Penjabi résisteront sans doute à l’achat de leurs terres par l’Etat.
La situation au Baloutchistan semble tout aussi compliquée en raison des sentiments qui y règnent déjà d’une exploitation et d’un abandon de la part du pouvoir central. La province ne recevra en outre aucun des bénéfices directs du port de Gwadar, et la colère des habitants n’en devient que plus plausible, d’autant que la zone devient hautement militarisée et que les locaux sont déplacés et privés de leur lien vital à leurs terres. Le CPEC ne résoudrait donc en rien les problèmes considérés comme à la racine du problème extrémiste, contrairement à ce qu’espère Talmiz Ahmad, puisque cela pourrait, au contraire, accentuer les inégalités.
En vérité, le CPEC ne constitue que l’un des aspects de la menace chinoise pour l’Inde à travers ce projet. Six des pays voisins ont ainsi signé des accords avec la Chine : le Pakistan donc, mais aussi Sri Lanka, le Bangladesh, le Népal, la Birmanie, et l’Afghanistan. Il n’est pas surprenant, dans ce contexte, que l’Inde voie d’un très mauvais œil ce projet. Ces pays ont un réel besoin d’infrastructure, et apprécient une aide économique non-conditionnée par des engagements de gouvernance ou de transparence[10].
L’un des aspects qui inquiètent le plus l’Inde est en vérité la présence chinoise dans l’Océan Indien. Ses agissements en Mer de Chine méridionale, notamment la construction d’îles[11], pourraient être reproduits. Dans la mesure où Beijing a officiellement établi à Djibouti sa première base militaire à l’étranger en 2017[12], ces inquiétudes ont tendance à se confirmer. Ainsi, la crainte de voir le port de Gwadar se transformer en base navale militaire grandit. Des ports sont également construits en Birmanie, à Sri Lanka. Des sous-marins chinois ont même accosté au Pakistan et à Sri Lanka[13]. Le port sri lankais de Hambantota est d’ailleurs le parfait exemple de la stratégie chinoise : son emplacement stratégique, son financement chinois dont le remboursement est insoutenable pour le pays d’emprunt, et finalement la cession du port et de plus de 6000 hectares alentours pour 99 ans en 2017[14]. L’accord avec la Chine aurait en outre inclus un échange de renseignement dès le départ[15].
II/ Le gouvernement de Modi a fait appel au besoin de transparence et d’égalité
Pour faire face à ce défi, l’Inde a appelé à ce que les projets transnationaux suivent « des normes internationales universellement reconnues, l’Etat de droit, la transparence et les standards internationaux »[16] – une remarque qui fait clairement référence aux Nouvelles routes de la Soie. En effet, il devient évident que les projets sont unilatéraux : non seulement l’endettement envers la Chine n’est pas viable pour les pays ayant contracté des prêts, mais les transferts de compétences semblent inexistants puisque des travailleurs chinois sont envoyés sur place, n’offrant donc aucun emploi aux locaux[17]. En outre, des études de faisabilité au sujet du port sri lankais précité avait estimé que le port ne fonctionnerait pas, et se sont avérées juste puisque 34 bateaux seulement s’y sont rendus en 2012 (contre 3667 dans le port de Colombo, selon le rapport annuel du ministère des Finances cité par Maria Abi-Habib)[18]. Or, tandis que l’Inde avait refusé, la Chine a proposé des prêts, à des taux plus importants que n’importe quel autre prêteur[19]. Ces pratiques sont aussi considérées comme alimentant la corruption (notamment la campagne du président ayant accepté l’accord chinois dans le cas de Ceylan) et les comportements autocratiques dans des démocraties en difficulté[20].
Les reproches exprimés par l’Inde sont soutenus non seulement par l’Europe, mais aussi par les Etats-Unis, le Japon, et l’Australie. S’il est vrai que l’Italie et les pays de l’Est sont particulièrement courtisés par Pékin, toute l’Union européenne est concernée, et elle essaie actuellement de faire front commun[21].
Ces critiques sont également de plus en plus virulentes au sein des organisations internationales et des pays asiatiques et africains, qui commencent à résister à la Chine. Ainsi, au Bangladesh, China Harbour devrait être interdit de contrats futurs en raison d’accusations de corruption envers cette entreprise, qui aurait tenté de soudoyer un fonctionnaire au ministère des Routes[22]. De la même façon, la société-mère, China Communications Construction Company avait été interdite de participer à des projets de la Banque mondiale pour huit ans en 2009, après des actes de corruption aux Philippines[23].
Les accords avec la Chine commencent même à se retourner contre les gouvernements impliqués lors d’élections. En Malaisie, le nouveau Premier Ministre a été élu après avoir remis en cause les investissements chinois dans la campagne – et a annulé un projet de route ferroviaire à 20 milliards de dollars et plusieurs projets de gazoducs et d’oléoducs d’une valeur de 3 milliards de dollars[24]. Aux Maldives, le nouveau Ministre des Finances a remis en cause la préférence chinoise du Premier Ministre, et s’est tourné vers l’Inde[25]. En Afrique, enfin, certains pays annulent ou ralentissent les projets, à cause des énormes dettes qui les accompagnent[26].
L’aspect environnemental, souvent oublié, doit pourtant être pris en compte, et est source d’inquiétudes pour les ONG comme les think tanks : les projets proposés par la Chine auront en effet un impact considérable sur les zones concernées. Ceci est particulièrement vrai du fait que les principaux corridors d’infrastructure traverseront des espaces sensibles écologiquement, et les routes et voies ferroviaires vont mettre en danger les plantes et les animaux des écosystèmes aux alentours. Plus de 265 espèces en danger seraient affectées, et l’accès à des zones reculées jusqu’ici pourrait augmenter le risque de braconnage[27]. Les nouvelles routes de la Soie seront, en outre, un moyen pour la Chine d’exporter une économie qui s’appuie sur les énergies fossiles[28] – dont on connaît déjà les effets néfastes. Pour autant, le pays produit également nombre de technologies liées aux énergies renouvelables, terrain sur lequel elle est en compétition directe avec l’Inde. Le gouvernement Modi a d’ailleurs imposé des taxes à l’importation des panneaux solaires chinois, mais cela ne suffira sans doute pas, là encore, à contrer son rival.
III/ L’Inde doit, pour faire face au désir d’expansion chinoise, créer ses propres projets de coopération
Il est évident, au regard du défi qui se pose à l’Inde, qu’elle doit réagir. S’il est vrai que ses voisins cherchent à contrebalancer les deux puissances, ils semblent aujourd’hui se détourner du projet chinois, et cela peut constituer une opportunité pour la République indienne.
Le Japon, les Etats-Unis, l’Union européenne ou encore les Emirats arabes unis ont démontré un intérêt à travailler avec l’Inde en Afrique, afin de contrer la Chine et d’éviter l’endettement de ces pays[29]. Une coopération avec le Japon, en particulier, semble se développer, à travers le Asia Africa Growth Corridor. Ils pourraient notamment travailler ensemble sur des projets en Birmanie, à Sri Lanka et au Bangladesh[30].
L’Inde pourrait également investir davantage dans le groupe BIMSTEC (Bay of Bengal Initiative for Multi-Sectoral Technical and Economic Cooperation). Etabli en 1997 avec l’intention d’organiser des sommets tous les deux ans, il n’a pourtant vu que trois sommets en deux décennies. Le contexte géopolitique régional a néanmoins relancé une certaine dynamique au sein de ce groupe régional, qui inclue l’Inde, le Bangladesh, le Boutan, la Birmanie, le Népal, Sri Lanka et la Thaïlande. Les secteurs de coopération sont nombreux, puisqu’ils comprennent le commerce, la technologie, l’énergie, le transport, le tourisme, la pêche, l’agriculture, la santé, la lutte contre la pauvreté, le contre-terrorisme, l’environnement, la culture, les contacts entre les peuples et le changement climatique[31]. Des programmes tels la voie ferroviaire trilatérale entre l’Inde, la Birmanie et la Thaïlande et le projet Kaladan, qui permet un accès à la mer pour les États du nord-est de l’Inde via Myanmar, par exemple, doivent encore être finalisés[32]. Il faudra pour cela parvenir à convaincre le Népal et la Thaïlande, qui n’ont pas voulu envoyer plus que des observateurs au premier exercice militaire du groupe afin de ne pas contrarier la Chine[33], que cette coopération est également dans leur intérêt.
Il est tout aussi crucial pour l’Inde de s’assurer que les régions isolées du sous-continent soient mieux connectées à l’ensemble du pays. En effet, un certain nombre de capitales des États du nord-est ne bénéficient ni de ligne ferroviaire pour accéder à leur capitale[34], ni internet : seule 35% de la population de ces États aurait accès à internet[35]. Ainsi le gouvernement a annoncé en 2017 son intention de construire l’« Himalayan rail-express », une ligne ferroviaire rapide qui devrait relier Leh (Jammu et Cachemire) à Hawai (Arunachal Pradesh)[36]. La région du Ladakh au Cachemire fait elle aussi l’objet d’influences chinoises, par la voie de la restauration de monastères bouddhistes, méthode qu’elle emploie également au Tibet[37]. Il faut noter que la visite du Dalai Lama en Arunachal Pradesh a causé des remous[38], et il n’est pas impossible que ce haut lieu du bouddhisme tibétain (où le sixième Dalai Lama est né) fasse l’objet de tentatives d’actions similaires à celles dévoilées au Cachemire.
Dans un tel contexte de tensions et de jeux d’influence, il est aisé de comprendre les réticences de l’Inde vis-à-vis du projet chinois des Nouvelles routes de la Soie. Cette initiative apparaît de plus en plus clairement comme unilatérale, au seul avantage de la Chine. Il est vrai que cette dernière essaie d’impliquer l’Inde, ce qui lui permettrait d’éviter la confrontation. Mais le rival historique ne semble pas près de se laisser convaincre, pour les multiples raisons que nous avons pu évoquer, et qui concernent sa sécurité sur les plans internes comme externes. Dans ce contexte, la coopération avec ses voisins tout comme avec d’autres puissances semble primordiale pour l’Inde.
Cela ne signifie pas une confrontation directe entre les deux puissances asiatiques – elles auraient toutes deux beaucoup à perdre. Elles travaillent d’ailleurs ensemble sur d’autres projets : c’est le cas en Afghanistan. En octobre 2018, elles ont ainsi lancé un programme de formation pour des diplomates afghans, et cela devrait être suivi d’autres projets[39].
[26] CHAUDHURY Dipanjan Roy, « Europe, Japan, US, UAE prefer India for joint infrastructure projects in Africa », Economic Times, 24 novembre 2018.
[27] LA SHIER Brian, « Exploring the Environmental Repercussions of China’s Belt and Road Initiative », Environmental and Energy Study Institute, 3 octobre 2018.
GAUTHE Thierry, « Cartographie. Avec les nouvelles routes de la soie, la Chine tisse une toile mondiale », Courrier international, 14 septembre 2018. URL : https://www.courrierinternational.com/grand-format/cartog.... Consulté le 9 avril 2019.
LA SHIER Brian, « Exploring the Environmental Repercussions of China’s Belt and Road Initiative », Environmental and Energy Study Institute, 3 octobre 2018. URL : https://www.eesi.org/articles/view/exploring-the-environm.... Consulté le 8 avril 2019.
SHAHANE Girish, « India stands to gain the most and risks the least by joining China’s One Belt One Road initiative », Scroll.in, 14 juillet 2018. URL : https://scroll.in/article/882411/india-stands-to-gain-the.... Consulté le 5 avril 2019.
SINGH Gurjit, « India, Japan and the Asia Africa Growth Corridor », Gateway House, 17 janvier 2019. URL : https://www.gatewayhouse.in/japan-aagc/. Consulté le 5 avril 2019.
Les routes de la soie au prisme du néo-eurasisme de Douguine : retour de Béhémoth ou triomphe du Léviathan ?
Ex: http://www.geolinks.fr
« La Grande Eurasie n’est pas un arrangement géopolitique abstrait, mais, sans exagération, un projet à l’échelle civilisationnelle, tourné vers l’avenir.»
Vladimir Poutine, mai 2017
« L’histoire mondiale est l’histoire de la lutte des puissances maritimes contre les puissances continentales et des puissances continentales contre les puissances maritimes »
Carl Schmitt, 1942
Au cœur de la stratégie politique et commerciale internationale de la Chine depuis 2013, le système multi-vectoriel de projets des nouvelles routes de la soie (appelé officiellement Belt and Road Initiative, BRI1 depuis mai 2017), qui souhaite connecter les économies chinoises, européennes, africaines et centre-asiatiques par une densification des réseaux d’infrastructures de transports et de communication, se concrétise chaque jour un peu plus sérieusement. Avec ses différents volets (construction d’infrastructures terrestres et maritimes, coopération économique, énergétique et sociétale), c’est sans doute l’entreprise la plus ambitieuse au monde et, au vu du potentiel de développement économique et des implications géopolitiques qu’elle comporte2, elle suscite de plus en plus de partenariats.
Les réseaux ferroviaires eurasiatiques des Routes de la soie3
Le 9 avril dernier s’est ainsi tenu à Bruxelles le 21ème sommet Chine-Union Européenne, occasion pour l’UE de déterminer une position commune vis-à-vis de la BRI et de discuter des synergies possibles avec son plan européen de connectivité Europe-Asie4, alors que, l’une après l’autre, les nations européennes signent bilatéralement des engagements dans le projet5.
Bien plus que les timides rapprochements des Européens, c’est la perspective de l’édification d’un axe Moscou-Pékin autour de cette initiative qui soulève les analyses géopolitiques les plus audacieuses : Ressurgirait la vieille menace, préfigurée par Mackinder en 1904 dans les propos concluants son « Pivot géographique de l’histoire »6, d’une Chine qui offrirait aux ressources immenses du continent une large façade océanique (ce qui caractérisait pour lui le véritable « péril jaune » menaçant la liberté du monde). En somme un « empire terrien eurasiatique » dominant le Heartland pourrait émerger et reléguer les puissances maritimes occidentales au second rang dans la rivalité générale pour la domination mondiale.Un tel traitement nous ramènerait aux fondamentaux de la discipline par une réappropriation de la dialectique Terre-Mer pour analyser le phénomène routes de la soie. Elle fascine toujours autant de par sa dimension symbolique et son caractère quelque peu réducteur, la rendant accessible au plus grand nombre.
Cela dit, il est vrai que depuis 2014 Russie et Chine ont opéré un rapprochement bilatéral notable7 et coopèrent de plus en plus activement au travers de la BRI : ainsi en mai 2015 fut-il décidé que l’initiative d’intégration continentale portée par la Russie, l’Union économique eurasiatique (UEE), y soit raccordée8 et en novembre 2017 la « route maritime du Nord » est devenue un des corridors de la BRI9. On relève aussi l’imbrication de l’initiative avec le développement de la coopération sino-russe au sein de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS)10.
De facto, une certaine unification continentale dans l’espace eurasiatique semble donc s’esquisser11. Ceci pourrait alors confirmer la portée heuristique persistante de la clé de lecture Terre-Mer. Mais c’est surtout lorsque l’on entre dans une géopolitique des perceptions que cette dialectique conserve sa pertinence : Il existe en effet un paradigme géopolitique affirmant explicitement la nécessité pour la Russie de briser l’hégémonie des puissances maritimes et de reconstituer une unité politique sur la masse continentale eurasiatique, notamment en développant un partenariat stratégique avec la Chine. Cette vision est portée par les auteurs constituant le mouvement d’idée du néo-eurasisme12. C’est une doctrine très en vue en Russie mais aussi dans d’autres États d’Asie Centrale, notamment au Kazakhstan où l’(ex-)président Nursultan Nazarbaev la soutient explicitement13.
Parmi les différents faisceaux composant le mouvement néo-eurasiste, un auteur se distingue : Alexandre Douguine14. Sa pensée, bien que plus marginale aujourd’hui, a connu ses heures de gloire et continue d’inspirer une partie des élites dirigeantes russes, tout en nourrissant bien des fantasmes chez les commentateurs étrangers15. S’il est issu de la pensée eurasiste classique, il y adjoint des filiations intellectuelles peu habituelles qui singularisent ses propositions, les amenant dans un registre métapolitique, métahistorique et culturaliste : Le monde des phénomènes n’est pour lui que le reflet des puissances archétypales qui le meuvent depuis l’invisible et sa pensée s’inscrit dans la bataille gramscienne16 pour l’« hégémonie culturelle »17.
Alexandre Douguine, le « prophète de l’Eurasisme »18
Les analyses ne manquent pas pour venir questionner les convergences et les limites des projets russes et chinois au-regard des ambitions géopolitiques eurasistes, mais elles s’inscrivent généralement sur des plans stratégique, économique, financier, juridique. Dans cette étude, nous souhaiterions sortir de l’empire des faits pour plonger plus profondément dans le monde des idées. Nous proposerons une lecture du phénomène nouvelles routes de la soie à travers le prisme de la doctrine géopolitique d’Alexandre Douguine, en essayant de nous approprier son discours original, structurant la vision-du-monde de certains acteurs impliqués dans le complexe de la BRI.
Nous nous demanderons donc si la Belt and Road Initiative participe de la constitution d’un bloc continental eurasien face à la thalassocratie atlantiste compatible avec les fondamentaux proposés par Alexandre Douguine pour la politique étrangère russe.
Nous exposerons synthétiquement les contenus de la doctrine géopolitique douguinienne et nous verrons que si les projets de la BRI s’inscrivent bien dans un renversement de la hiérarchie des puissances à l’échelle globale marqué par une revalorisation de l’« île mondiale » – donc à un balancement au profit de la Terre –, l’initiative pourrait constituer, sur un plan plus culturaliste, une submersion du continent par la Mer.
Les fondamentaux de la géopolitique d’Alexandre Douguine : la dialectique Terre-Mer revisitée par la « pensée de la Tradition »
Alexandre Douguine s’inscrit dans une filiation géopolitique a priori classique, à la suite de Ratzel (1882, 1900), Mahan (1892), Castex (1935), Mackinder (1904), Spykman (1944), puisqu’il reprend la récurrente opposition Terre-Mer : « La civilisation thalassique, anglo-saxonne […] serait irréductiblement opposée à la civilisation continentale, russe-eurasienne »19, et le cœur de leur affrontement serait le contrôle du Rimland20. Il a surtout hérité des conceptions allemandes, adoptant un prisme foncièrement culturaliste21 : Il associe comme intrinsèques à la civilisation thalassique les attributs de « protestante, d’esprit capitaliste » tandis que la civilisation continentale serait « orthodoxe et musulmane, d’esprit socialiste ». Il figure parmi les tenants d’une approche plutôt déterministe de cette dichotomie, prise non seulement comme clé de compréhension de la politique au niveau global mais aussi comme véritable « explication de l’histoire ». C’est là toute l’originalité de notre auteur, puisqu’il établit un parallélisme entre cette dichotomie, devenue classique en géopolitique, et la dialectique Tradition-Modernité.
Ce second couple conceptuel n’est pas appréhendé selon ses présentations dans la littérature anthropologique ou sociologique, mais entendu selon l’acception originale portée par une école parfois qualifiée de « pensée de la Tradition »22 qui présente des catégories de pensée très éloignées de celles que l’on rencontre habituellement dans le monde académique contemporain et déployée à la suite de l’œuvre du Français René Guénon. La Tradition renvoie chez ces auteurs « traditionistes »23 à une « Sagesse Éternelle » (Sophia Perennis), une connaissance sacrée, immuable et transcendante transmise aux hommes depuis l’origine de l’humanité. Cette Tradition connaîtrait cependant nécessairement un processus d’obscurcissement à travers les âges (afin que toutes les possibilités de l’Être se manifestent, même les plus inférieures), l’avènement du monde moderne correspondant selon eux à la dernière étape de cette dégradation, une ère chaotique précédent la résorption du monde dans l’incréé – ce que l’on retrouve dans les traditions spirituelles comme étant la « fin des temps ». Pour de tels auteurs, la politique ou l’histoire n’ont de sens qu’en tant qu’elles révèlent l’incarnation de principes métaphysiques – ou archétypes – c’est pourquoi nous évoquions en introduction les termes de métapolitique24 et de métahistoire.
Douguine reprend ces conceptions et s’inscrit parmi ces auteurs traditionistes : Chez lui, la puissance maritime « atlantiste » représenterait les forces de dissolution entraînant le monde moderne vers le chaos, tandis que l’Eurasie aurait pour vocation d’être le bastion de la Tradition, le katechon paulinien25 résistant à la venue des Temps. Ainsi dans son œuvre « l’eschatologie se mêle à la géopolitique », puisqu’il la déploie à partir de postulats visant à se positionner politiquement en fonction des fins dernières de l’homme et des entités politiques. Ce prisme métaphysique l’amène à étudier la politique, l’histoire ou la géographie seulement à travers les principes supérieurs qu’elles incarnent. La Russie et les puissances eurasiatiques deviennent l’incarnation de l’archétype structurant « Terre » (Béhémoth), représentant la Tradition, tandis que les stratégies des États-Unis et de leurs alliés sont lues comme faisant le jeu de l’archétype dissolvant « Mer » (Léviathan), associé aux idéologies modernes. Depuis ces postulats, Douguine propose de « constituer un grand bloc continental eurasien » (versant géopolitique) qui se veut « une force intégratrice, un esprit de renaissance »26 (versant eschatologique) en vue d’édifier un modèle multipolaire pour le système international.
Afin de réaliser cette ambition il propose dès les années 1990, en tant qu’« impératif stratégique majeur » pour la Russie, d’intégrer les pays de la CEI dans une Union Eurasienne fédéraliste : « une seule formation stratégique, unie par une seule volonté et par un seul but de civilisation commune »27. À partir de cette base, il appelle cette entité eurasienne à se rapprocher de ses « partenaires naturels » car en situation de « complémentarité symétrique » avec la Russie : UE, Japon, Iran, Inde. Ceux-ci pourraient devenir de véritable « sujets » des Relations internationales et de la mondialisation s’ils participaient à la sortie du système uni-polaire américano-centré (dans lequel ils n’en seraient que des « objets ») pour construire ensemble la multipolarité. Leur partenariat avec la Russie serait pour Douguine gagnant-gagnant, un renforcement mutuel, étant donné qu’ils ont chacun des éléments vitaux à échanger. D’autres formations géopolitiques intéressées par la multipolarité seraient ensuite encouragées à appuyer ce projet de ré-agencement du système international : Chine, Pakistan, pays arabes… alors que le Tiers-Monde serait plutôt partagé en zones d’influence pour des champions régionaux (le Pacifique constituerait la zone d’influence nippone, l’ Afrique la zone d’influence européenne… ici aussi on retrouve l’influence de l’école géopolitique allemande et des pan-ideen de Haushofer). La thalassocratie étasunienne serait quant à elle refoulée dans l’espace américain (sa zone d’influence naturelle). Ainsi aurait-on des entités géopolitiques puissantes avec leurs zones d’influences propres et un certain équilibre entre les pôles. Cet équilibre multipolaire permettrait alors à la puissance tellurique de laisser se redéployer la Tradition.
Schématisation du projet eurasiste d’organisation du système international28
La question que nous poursuivons ici est de savoir si la BRI serait pour Douguine un vecteur potentiel pour ses propositions. Participe-t-elle de l’élan vers la « multipolarité traditionnelle » qu’il appelle de ses vœux ? Voyons alors quels élément dans les projets des nouvelles routes de la soie peuvent être décryptés comme participants des ambitions telluriques néo-eurasistes de réagencement du système international dont nous connaissons maintenant les fondamentaux.
La BRI, facteur d’intégration eurasiatique dans le cadre d’une redistribution globale des cartes de la puissance : quelle compatibilité avec le projet multipolaire néo-eurasiste ?
Vers la multi-polarisation
De prime abord, on peut considérer la BRI comme s’inscrivant dans une stratégie d’émancipation de l’uni-polarité américano-centrée. Comme évoqué en introduction, la BRI vise à développer des lignes de communication routières, ferroviaires et maritimes pour relier la Chine à l’Europe et à l’Afrique orientale, via l’Asie Centrale, le Caucase, la Russie, l’Iran, la Turquie… Couplée avec les initiatives menées dans l’OCS et l’UEE, l’initiative s’imbrique donc dans une stratégie générale d’intégration du Rimland avec la masse eurasiatique29, passant outre les instances multilatérales et les canaux de communications ouverts et normés par les États-Unis.
Ces ambitions pourraient donc bien conduire à la définition de normes non-américaines ou non-occidentales30. On le voit par exemple dans le système d’institutions financières élaboré pour financer les projets de la BRI : Banque asiatique d’investissements pour les infrastructures, Fonds Routes de la soie, Nouvelle banque de développement des BRICS, associés à un appel aux fonds souverains des États impliqués dans le projet et aux banques commerciales, les projets se financeraient hors de l’orbite de la Banque mondiale (présidée depuis 1944 par un Américain) et du Fonds monétaire international, symboles de la domination internationale des normes américaines.
Vers la re-continentalisation
L’économie mondiale est à l’heure actuelle essentiellement dépendante des flux maritimes. Cette maritimisation des flux a conduit à une littoralisation des activités de production et donc de la démographie mondiale. En effet, puisqu’il faut exporter via les ports, les entreprises se sont rapprochées des côtes, entraînant alors des mouvements de population à la recherche d’emplois. La BRI, en faisant la part belle aux tracés terrestres, pourrait participer d’une re-continentalisation des supports logistiques de l’économie mondiale et, ce faisant, d’une re-continentalisation de ses pôles de productions.
C’est notamment le vecteur ferroviaire qui semble le plus porteur, grâce à une capacité d’emport supérieure et un coût inférieur de 80 % au transport aérien, pour des échanges deux fois plus rapide que par voie maritime31. Si 7500 conteneurs ont transité sur des trains intercontinentaux en 2012, l’objectif est de porter ce nombre à 7.500.000 pour 2020. Pour profiter de ces flux logistiques, de grandes entreprises telles Hewlett Packard ou Ford se sont déjà délocalisées depuis les côtes chinoises vers l’intérieur des terres pour se positionner sur ces lignes de trains prometteuses32.
Compatibilité de la BRI avec le projet néo-eurasiste : Multipolarité et continentalité ne suffisent pas, l’aspect culturel demeure le plus important
Ces dimensions, « terrestre » et multipolaire, semblent faire entrer la BRI en résonance avec les ambitions du projet néo-eurasiste d’Alexandre Douguine. À l’occasion du Belt and Road Forum de mai 2017, Vladimir Poutine a pu adopter la rhétorique néo-eurasiste en affirmant que grâce à des «formats d’intégration tels que la CEEA, l’OBOR, l’OCS et l’ASEAN, nous pouvons bâtir les bases d’un partenariat eurasien plus vaste» offrant une «occasion unique de créer un cadre de coopération commun qui va de l’Atlantique jusqu’au Pacifique, pour la première fois dans l’histoire». Il ajoute «La Grande Eurasie n’est pas un arrangement géopolitique abstrait, mais, sans exagération, un projet à l’échelle civilisationnelle, tourné vers l’avenir.»33.
Pour autant, même si la BRI renforçait l’organisation multipolaire du système international, et à supposer que la Chine laissera une place à la Russie dans ce nouvel ordre malgré l’asymétrie de leur relation, cela ne toucherait pas l’essence du projet néo-eurasiste. Car, au vu de ce que nous avons esquissé plus haut concernant la pensée traditionnelle, dans la philosophie archétypale douguinienne ce n’est pas la forme qui importe mais le fond, l’esprit. Aussi sa critique de l’uni-polarité thalassocratique ne concerne pas tant la maritimisation de l’économie mondiale que l’esprit maritime qui uniformiserait le monde. C’est pourquoi même si on assistait au reflux de la thalassocratie américaine par la multi-polarisation du système international et à une re-continentalisation de l’économie et de la démographie, une maritimisation culturelle du continent pourrait avoir lieu (un changement du « morphotype » sans modification du « psychotype »).
Cet esprit maritime est caractérisé par Carl Schmitt, l’une des racines intellectuelles d’Alexandre Douguine, qui veut montrer (selon Alain de Benoist, préfaçant la dernière édition de Terre et Mer de Schmitt) la relation logique entre la vie maritime et le libre-échangisme, le capitalisme, le libéralisme, l’individualisme, le parlementarisme, le droit-de-l’hommisme, le constitutionnalisme34… De plus, la « société liquide » (Bauman, 2000) trans-nationaliste créée par la civilisation océanique marchande amènerait peu à peu au délitement du politique, à l’enfoncement dans le fluctuant, le mouvant, le nomade, le réticulaire, le transitoire, à la fragmentation des identités et des sociétés dans l’homogénéité des flots35. Ce sont ces caractéristiques qui sont accolées chez Douguine à la thalassocratie et à la modernité. Le combat eurasiste ne serait donc pas gagné si cette mentalité continuait de s’imposer aux esprits. La multipolarité sans le souffle de la Tradition et la verticalité de la Terre ne serait pas plus souhaitable pour le néo-eurasiste que le système actuel.
Or la BRI est imprégnée à un certain niveau par cette mentalité moderniste : esprit marchand, capitalistique, libre-échangiste et faisant une large place aux marchés financiers ; réticulation de l’espace eurasien, recherche de la vitesse, du mouvement transfrontalier plutôt que de l’ancrage (les marchandises, les capitaux, les travailleurs seront amenés à migrer) ; le tout étant porté par une Chine maoïste, et donc héritière des idées révolutionnaires de 1789, athée, technocratique, pragmatique.
Bien évidemment, les dimensions libérales et constitutionnalistes qui termineraient de caractériser l’esprit maritime sont absentes. Nous sommes essentiellement face dans l’espace eurasien à des puissances (semi-)autoritaires, des démocratures (Max Liniger-Goumaz, 1992) pour qui la souveraineté, le politique, l’Ordre et l’identité (caractéristiques telluriques) sont encore des valeurs importantes (c’est pourquoi Douguine accorde une certaine dimension « traditionnelle » à l’idéologie socialiste, pourtant moderne36). Néanmoins, si l’on suit les auteurs de tendance contre-révolutionnaire, l’esprit moderne-maritime s’est imposé en Occident parce qu’une caste marchande transnationale a pu se constituer et se renforcer jusqu’à s’imposer politiquement pour ensuite dissoudre peu à peu cet ordre politique. Aussi la BRI pourrait-elle donc être l’ouverture nécessaire à la constitution d’une telle caste dans l’espace eurasiatique qui viendrait à terme renverser les valeurs telluriques prônés par Douguine.
Conclusion
Nous avons eu pour but dans cette étude de caractériser le projet des nouvelles routes de la soie au regard de la dialectique Terre-Mer « pérennialiste » d’Alexandre Douguine, qui peut être prise comme un croisement des pensées de Carl Schmitt et de René Guénon. La question était donc de savoir si ces projets constituaient une opportunité pour l’acheminement vers un système international multipolaire accompagné d’une réaffirmation des principes telluriques traditionnels dans l’ordre international – une « domination culturelle » de Béhémoth – ou au contraire s’ils favorisaient l’ouverture vers une diffusion de la mentalité thalassique et moderniste à tout l’espace eurasiatique – le « triomphe » de Léviathan.
Nous avons vu que la coopération stratégique sino-russe autour de la BRI, dans l’hypothèse où la Chine maintiendrait un partenariat équitable envers la Russie, pourrait conduire à une multi-polarisation du système international, avec un continent eurasiatique autonome vis-à-vis de la thalassocratie étasunienne, ce qui constitue le premier versant (géopolitique) du projet néo-eurasiste d’Alexandre Douguine. Cependant, si l’on considère les choses en profondeur et d’un point de vue culturel, l’initiative pourrait porter les germes de l’esprit moderne-maritime qu’il pourfend, le versant eschatologique de son projet serait alors condamné. En vue de constituer ce front de la Tradition37 qu’il appelle de ses vœux, son combat pour l’hégémonie culturelle ne s’arrêterait pas là, il lui faudra encore proposer un modèle permettant d’intégrer les tendances marchandes modernes dans un ordre tellurique politique traditionnel à l’échelle continentale et de maintenir les ancrages identitaires des peuples eurasiatiques.
Ainsi, au regard des fondamentaux de la vision douguinienne, nous pensons que les projets de la BRI pourraient caractériser une véritable croisée des chemins pour les Relations internationales : En effet, l’initiative porte en elle l’opportunité de voir se réaffirmer un ordre du monde basé sur des principes différents de ceux de la mentalité moderne occidentale, tout en comportant le risque de voir cette mentalité se diffuser rapidement au sein du « cœur du monde ». Au-delà même de la perspective eschatologique supportée par Douguine, nous pouvons y voir un réel enjeu en matière de diversité culturelle mondiale : la tension entre différentialisme et uniformisation, représentée chez Schmitt ou Douguine par le combat entre Béhémoth et le Léviathan (la Terre et la Mer au plan non plus géographique mais presque purement mental), est bien réelle !
***
Au delà de cette étude particulière, l’influence de Douguine sur la politique mérite selon nous d’être questionnée et étudiée, cet auteur connaissant une visibilité certaine tant en Russie que dans certaines mouvances idéologiques ouest-européennes. Cependant, si son discours géopolitique rencontre un certain écho et peut emporter l’adhésion parmi les élites russes, l’aspect « gnostique » de ses théories reste bien plus marginal (car estimé irrationnel, idéaliste, hors des critères de la pensée moderne, ou incompris, de par sa difficulté d’accès pour le grand public). Aussi est-il probable que si en apparence le néo-eurasisme et la politique étrangère russe convergent, le dessein recherché soit tout autre : D’un côté nous aurions une politique étrangère réaliste, somme toute moderne bien que conservatrice mais utilisant par opportunité la rhétorique néo-eurasiste, de l’autre une vision traditionnelle métaphysique dont les ambitions ne sont portées que par une minorité restreinte. Nous pensons toutefois que des études politologiques sur l’influence de sa pensée dans le champ des idées et des mouvements politiques serait pertinentes.
Sur un plan plus théorique, une étude conceptuelle sérieuse du couple Tradition-Modernité, confronté avec la réalité empirique, pourrait également offrir selon nous une clé herméneutique intéressante pour la discipline géopolitique, cette dialectique entendue dans son sens guénonien renvoyant à des double-mouvements (différenciation-uniformisation, conservatisme-progressisme, ancrage-nomadisme…) que l’on peut retrouver au cœur de la plupart des rivalités de puissance dans l’espace mondial.
Notes:
1 En chinois, le programme s’intitule Yidai yilu, « Une ceinture, une route » (« One Belt One Road », OBOR). En anglais, l’expression officiellement utilisée par Pékin est toutefois Belt and Road Initiative (BRI).
2 Pour une présentation synthétique du projet, voir notamment : LASSERRE Frédéric et MOTTET Eric, « L’initiative Belt and Road, stratégie chinoise du Grand Jeu ? », Diplomatie, numéro 90, 2018/1, pp. 36-40.
5 Ont déjà été signés des memorandums ou accords d’intégration entre la RPC et le Luxembourg, l’Italie, la Grèce, le Portugal, mais aussi la Lettonie, la Croatie, la Bulgarie ou Monaco. La Deutsche Bahn s’implique aussi financièrement, notamment par des investissement sur la principale ligne ferroviaire Pologne-Chine Voir « Qu’est que l’accord entre la Chine et l’Italie ? », OBOReurope, 24 mars 2019 (URL : https://www.oboreurope.com/fr/accord-chine-italie/, consulté le 11 avril 2019) et CLAIRET Sophie, « Pourquoi l’Europe risque de se perdre sur les nouvelles routes de la soie ? », GeoSophie, 6 janvier 2017 (URL : https://geosophie.eu/2017/02/05/pourquoi-leurope-risque-d..., consulté le 8 avril 2019).
6 MACKINDER Halford, « The Geographical Pivot of History », The Geographical Journal, vol. 23, 1904/4, pp. 421-437, p. 437 pour ces propos.
7 Voir BOULEGUE Mathieu, « La « lune de miel » sino-russe face à l’(incompatible) interaction entre l’Union Economique Eurasienne et la Belt & Road Initiative », Diploweb, 15 octobre 2017.
9 Voir « La route polaire et l’initiative Belt and Road », OBOReurope, 7 novembre 2017 (URL: https://www.oboreurope.com/fr/route-polaire/, consulté le 10 avril 2019). Voir aussi BRUNEAU Michel, L’Eurasie. Continent, empire, idéologie ou projet, Paris, CNRS éditions, 2018, pp. 294-295.
10 Laquelle a une réalité géopolitique conséquente : elle vise à faire coopérer politiquement des pays représentants 2.758.000.000 d’habitants, 38% des approvisionnements en gaz naturel, 20% du pétrole, 40% du charbon et 50% de l’uranium disponibles sur la planète. Voir DUPUY Emmanuel, « Les nouvelles Routes de la Soie et l’Asie Centrale : l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) en première ligne… », La Vigie, 16 novembre 2017 (URL : https://www.lettrevigie.com/blog/2017/11/16/les-nouvelles..., consulté le 4 avril 2019)
11 BOUCHARD Renaud et PORFIRYEV Boris, « L’économie russe et le basculement géostratégique », conférence donné dans le cadre du séminaire Franco-Russe « L’intégration eurasiatique en perspective / Евразийская интеграция в перспективе », Paris, EHESS, 14 septembre 2016 – 16 septembre 2016. URL : http://renaudbouchard.canalblog.com/archives/2016/09/22/3..., consulté le 6 avril 2019.
12 L’expression néo-eurasisme distingue ces auteurs du mouvement d’idées qualifié d’eurasisme classique, héritier du mouvement slavophile du XIXème siècle et qui finira par se rapprocher de la « révolution conservatrice » allemande. Pour l’histoire intellectuelle de ces mouvements, voir notamment : MEAUX (de) Lorraine, La Russie et la tentation de l’Orient, Paris, Fayard, 2010, 436 pages ; DRESSLER Wanda (dir.), Eurasie : espace mythique ou réalité en construction ?, Bruxelles, 2009, Bruylant, 410 pages (particulièrement pp. 49-68 et 95-106) ; SEDGWICK Mark, Contre le Monde Moderne. Le traditionalisme et l’histoire intellectuelle secrète du XXème siècle, Paris, Dervy, 2008, 380 pages (particulièrement pp/ 287 et ss.).
13 LARUELLE Marlène, « Le néo-eurasisme russe. L’empire après l’empire ? », Cahiers du monde russe [En ligne], 42/1, 2001, mis en ligne le 01 janvier 2007, pp. 71-94.URL: https://journals.openedition.org/monderusse/8437#bodyftn2, consulté le 5 avril 2019.
14 Philosophe, géopoliticien, écrivain et militant politique, né le 7 janvier 1962 à Moscou.
15 Par ses théories et son apparence physique, Alexandre Douguine est régulièrement qualifié de « Raspoutine », de « conseiller occulte du Kremlin », nourrissant des analyses assez éloignées de la réalité de son influence et parfois teintées d’un esprit « complotiste ».
16 Le concept d’hégémonie culturelle a été pensé par Antonio Gramsci, qui a décrit comment une classe dominante faisait aussi reposer son pouvoir sur une domination culturelle, à travers des outils tels que l’école ou les médias. Il s’agit alors pour les forces d’opposition de conquérir les esprits en diffusant au maximum leurs idéologies avant de pouvoir renverser le rapport de domination (préalable sans lequel le nouveau pouvoir ne saurait être accepté par la population), d’où la formule utilisée de « bataille gramscienne ».
19 Le Prophète de l’Eurasisme. Alexandre Douguine, Paris, Avatar Éditions, 2006, pp. 16.
20 Définit par Spykman comme « une région intermédiaire située […] entre le Heartland (cœur du monde) et les mers périphériques […] vaste zone tampon de conflits entre la puissance maritime et la puissance terrestre. Orientée des deux côtés, elle doit fonctionner de manière amphibie et se défendre aussi bien sur terre qu’en mer », car « Celui qui domine le Rimland domine l’Eurasie ; celui qui domine l’Eurasie tient le destin du monde entre ses mains ». Voir SPYKMAN Nicolas, The Geography of the Peace, New York, Harcourt, Brace and Co, 1944, p. 43.
21 La dialectique Terre-Mer est appréhendée dans la littérature géopolitique de façon plus ou moins pragmatique – conception surtout présente chez les Anglo-saxons – ou plus ou moins culturaliste – appréhension plutôt rencontrée chez les auteurs Allemands.
22 Formulation retenue par Christophe Boutin, voir BOUTIN Christophe, Politique et tradition. Julius Evola dans le siècle (1898-1974), Paris, Éditions Kimé, 1992, 513 pages ; Id., « Tradition et réaction : la figure de Julius Evola », In., « Les pensées réactionnaires », Mil neuf cent, n°9, 1991, pp. 81-97.
23 Néologisme proposé par le philosophe Pierre Riffard pour éviter les confusions avec le terme de « traditionalistes », utilisé aussi pour parler de courants politiques ou religieux réactionnaires. Voir : RIFFARD Pierre, L’Ésotérisme, Paris, Robert Laffont, 2003 (1990), 1032 pages. On rencontre parfois le terme « pérennialistes », bien qu’il vise plutôt la frange du mouvement développée sur le continent nord-américain. Voir HOUMAN Setareh, De la Philosophia Perennis au pérennialisme américain, Milan, Archè, 2010, 622 pages.
24 Le mot métapolitique est « à celui de politique ce que le mot métaphysique est à celui de physique […] la métaphysique de la politique » (MAISTRE Joseph (de), Considérations sur la France suivi de l’Essai sur le principe générateur des constitutions, Bruxelles, 2006 (1797), Éditions Complexe, p. 227), et vise à donner à une philosophie politique un fondement d’universalité par la référence à une vérité transcendante, le but étant d’orienter l’être et la société vers cette sphère, de traduire cette transcendance dans la réalité sociale en réfléchissant à l’organisation idéale de la Cité. Sous cette acception, le concept est à distinguer tant de la théologie politique (qui est le transfert de concepts théologiques dans le processus de construction de l’État) que du conservatisme (car il ne se réfère pas au passé mais à la métaphysique immuable, éternelle, supra-temporelle) ou de l’intégrisme (car il ne se réfère pas à une tradition spirituelle particularisée, mais à une Vérité absolue devant être supérieure à ces traditions). Voir BISSON David, René Guénon. Une politique de l’esprit, Paris, Pierre Guillaume de Roux, 2013, 527 pages, pp. 130 et s., qui utilise le triptyque infra-politique, politique, méta-politique comme clé méthodologique pour analyser l’impact de l’œuvre de Guénon.
25 Entité évoqué par l’apôtre saint Paul, le katechon est un être dont la nature n’est pas précisée et qui a pour vocation d’empêcher la venue de l’Antéchrist. Ce dernier ne peut se manifester pleinement tant que cette entité est dans le monde Voir dans la Bible les versets : 2 Thes. 2, 6-7.
28 Visible sur le site du mouvement EVRAZIA : http://evrazia.org/modules.php?name=News&file=article.... La carte 1 représente le monde unipolaire actuelle, la 2 la contre-stratégie que doit déployer la Russie pour briser l’uni-polarité, la 3 révèle les futures grandes zones d’influence souhaitées par le projet néo-eurasiste et la 4 les « grands espaces » géopolitiques au sein de ces zones.
29 STRUYE DE SWIELANDE Tanguy, « La Chine et ses objectifs géopolitiques à l’aube de 2049 », in « Regards géopolitiques », Bulletin du Conseil québécois d’études géopolitiques, volume 2, n°1, printemps 2016, pp. 24-28.
30 GARCIN Thierry, « Le chantier – très géopolitique – des Routes de la soie », Diploweb, 18 février 2018.
36 De toute manière, selon les postulats métaphysiques retenus par les auteurs comme Douguine, il n’existe aucun étant « pur » : tout ce qui est manifesté est constitué d’un dosage entre les différentes polarités. Concrètement, il ne peut exister d’entité entièrement tellurique ou entièrement thalassique.
37 En référence à l’ouvrage : DOUGUINE Alexandre, Pour le Front de la Tradition, Nantes, Ars Magna, 2017.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
––, Le Prophète de l’Eurasisme. Alexandre Douguine, Paris, Avatar Éditions, 2006, 349 p.
BISSON David, René Guénon. Une politique de l’esprit, Paris, Pierre Guillaume de Roux, 2013, 527 pages
BOUTIN Christophe, Politique et tradition. Julius Evola dans le siècle (1898-1974), Paris, Éditions Kimé, 1992, 513 pages
DRESSLER Wanda (dir.), Eurasie : espace mythique ou réalité en construction ?, Bruxelles, 2009, Bruylant, 410 pages.
FRANKOPAN Peter, Les Routes de la Soie. L’histoire du cœur du monde, Bruxelles, Éditions Nevicata, 2017, 732 pages.
HOUMAN Setareh, De la Philosophia Perennis au pérennialisme américain, Milan, Archè, 2010, 622 pages.
MAISTRE Joseph (de), Considérations sur la France suivi de l’Essai sur le principe générateur des constitutions, 2006 (1797), Éditions Complexe
MEAUX (de) Lorraine, La Russie et la tentation de l’Orient, Paris, Fayard, 2010, 436 pages.
RIFFARD Pierre, L’Ésotérisme, Paris, Robert Laffont, 2003 (1990), 1032 pages.
SCHMITT Carl, Terre et Mer (1942), Paris, Pierre Guillaume de Roux, 2017, 240 pages.
SEDGWICK Mark, Contre le Monde Moderne. Le traditionalisme et l’histoire intellectuelle secrète du XXème siècle, Paris, Dervy, 2008, 380 pages.
SPYKMAN Nicolas, The Geography of the Peace, New York, Harcourt, Brace and Co, 1944, 66 pages.
Articles
BOUTIN Christophe, « Tradition et réaction : la figure de Julius Evola », in., « Les pensées réactionnaires », Mil neuf cent, n°9, 1991, pp. 81-97.
LASSERRE Frédéric et MOTTET Eric, « L’initiative Belt and Road, stratégie chinoise du Grand Jeu ? », Diplomatie, numéro 90, 2018/1, pp. 36-40.
MACKINDER Halford, « The Geographical Pivot of History », The Geographical Journal, vol. 23, 1904/4, pp. 421-437.
STRUYE DE SWIELANDE Tanguy, « La Chine et ses objectifs géopolitiques à l’aube de 2049 », in « Regards géopolitiques », Bulletin du Conseil québécois d’études géopolitiques, volume 2, n°1, printemps 2016, pp. 24-28.
BOUCHARD Renaud et PORFIRYEV Boris, « L’économie russe et le basculement géostratégique », conférence donné dans le cadre du séminaire Franco-Russe « L’intégration eurasiatique en perspective / Евразийская интеграция в перспективе », Paris, EHESS, 14 septembre 2016 – 16 septembre 2016. http://renaudbouchard.canalblog.com/archives/2016/09/22/3...
BOULEGUE Mathieu, « La « lune de miel » sino-russe face à l’(incompatible) interaction entre l’Union Economique Eurasienne et la Belt & Road Initiative », Diploweb, 15 octobre 2017 https://www.diploweb.com/La-lune-de-miel-sino-russe-face-...
BOUCHARD Renaud et PORFIRYEV Boris, « L’économie russe et le basculement géostratégique », conférence donné dans le cadre du séminaire Franco-Russe « L’intégration eurasiatique en perspective / Евразийская интеграция в перспективе », Paris, EHESS, 14 septembre 2016 – 16 septembre 2016.http://renaudbouchard.canalblog.com/archives/2016/09/22/3...
La coopération stratégique et scientifique entre la Russie et la Chine se précise
par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
Nous avons souvent indiqué ici que l'initiative chinoise dite Belt and Road Initiative BRI donnera à la Chine l'occasion de nouer des relations économiques et politiques avec toutes les nations traversées, y compris récemment en Italie.
Une question restait posée : la Russie s'associerait-elle à cette démarche ou, à l'inverse, y verrait-elle une concurrence dangereuse pour les relations qu'elle a depuis longtemps établies avec ses voisins du sud au sein de l'Union économique eurasiatique.
La réponse vient d'être donnée à la seconde Conférence de la BRI qui vient de se tenir à Pékin. Elle rassemblait 37 chefs d'Etat, dont Vladimir Poutine en personne. Celui-ci vient d'annoncer son intention d'associer la Route Polaire Maritime russe à la BRI. Cette route est de plus en plus fréquentée pendant la période de fonte des glaces, période qui ne cesse de s'allonger avec le réchauffement climatique. Ceci devrait faire de l'Arctique une zone de coopération où pourraient se retrouver de nombreux intérêts refoulés vers le nord par ces changements de température. La Chine voit déjà dans la Route polaire un élément majeur de son ouverture au reste du monde.
C'est d'abord la diminution des temps de transport maritime qui l'intéresse. La route du port chinois de Dalian à Rotterdam sera raccourcie de 10 jours par rapport au passage par le détroit de Malacca et le canal de Suez. Par ailleurs, un accès aux ressources de l'Arctique sera précieuse pour un pays surpeuplé et sans grandes ressources propres tel que la Chine.
Dans un premier temps, il s'agira de réaliser des constructions durables sur des plateformes flottant sur la glace et des brise-glaces plus performants. Sans attendre on y étudiera des méthodes permettant de préserver les milieux naturels fragiles de cette partie du monde.
Sur ce plan, beaucoup de scientifiques resteront dubitatifs. On peut craindre que les objectifs économiques l'emportent sur les préoccupations de préservation. D'autant plus qu'à plus long terme des dizaines de millions de personne chassées de chez elles par le réchauffement et la désertification chercheront à se reconvertir non seulement dans le nord de la Sibérie mais dans l'Arctique.
Celle-ci est sans doute trop loin de l'Europe pour qu'elle s'intéresse, hormis quelque peu les pays scandinaves (et Total). Ce sera dommage pour elle.
Après l'offensive américaine contre Huawei, Pékin va-t-il déclencher la guerre des terres rares ?
par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
La Chine détient actuellement l'essentiel des gisements mondiaux de terres rares rapidement exploitables. Celles-ci sont indispensables dans la fabrication des appareils électroniques tels que les smart phones et les futures voitures électriques.
Il était prévisible que Pékin riposterait sur ce terrain à l'offensive américaine contre Huawei, menacé par un embargo américain sur des composants électroniques qui lui sont indispensables. Washington vise à exclure Huawei de toutes les applications de demain, telles que la 5 G, au prétexte que le géant chinois pourrait espionner les firmes américaines travaillant pour la défense.
Or le président chinois Li Jinping vient de visiter une société productrice de terres rares. Même s'il n'a fait aucune déclaration à ce sujet, il est évident que cette visite n'était pas de routine. Elle voulait faire peser la menace d'un embargo chinois sur l'exportation de terres rares. Pékin prend son temps cependant avant de déclencher la guerre. Il craint manifestement que les Américains ne trouvent des substituts aux terres rares.
Cependant cela demandera du temps et nécessitera des crédits de recherche considérables. Dans les prochains mois, l'arme des terres rares serait donc utilisable et pourrait considérablement affecter toutes les filières technologiques américaines, ainsi d'ailleurs que les Européens qui en sont totalement dépendants. On notera cep que la France pourrait extraire des terres rares dans son domaine maritime, mais avec de grands risques pour la vie océanique
La Chine produit actuellement 95¨des terres rares nécessaires à l'industrie. Les Etats-Unis en importent environ 80%. Un consultant américain, président de ThREE Consulting, a prévenu qu'un embargo chinois pourrait compromettre tous les fabricants non chinois de produits électroniques, y compris ceux utilisée dans le domaine de l'aviation commerciale et de l'industrie militaire.
En 2014 l'Organisation Mondiale du Commerce avait accusé la Chine d'enfreindre les règles de la concurrence en limitant les exportations de ces terres, au prétexte des dégâts à l'environnement provoqués par leur extraction.
Ceci dit l'United States Geological Survey avait estimé en 2018 que la planète disposait de 120 millions de tonnes de gisements, dont 44 millions en Chine, mais aussi 22 au Brésil et 18 en Russie. Ces deux derniers pays avaient jusqu'ici préféré ne pas exploiter leurs réserves, compte tenu du fait que cette exploitation rejette des quantités considérables de produits toxiques et peut-être radioactifs. La Chine apparemment ne s'en préoccupe pas.
Une intervention de Pékin bloquant ou rendant difficiles les exportations de terres rares sera considérée aux Etats-Unis comme une accélération de la guerre commerciale. De plus, dans le cas encore improbable de conflits militaires avec la Chine dans le Pacifique Sud, il s'agira d'une arme qui devra être prise en considération par les stratèges du Pentagone.
Contraindre l’adversaire à s’étendre excessivement pour le déséquilibrer et l’abattre : ce n’est pas une prise de judo mais le plan contre la Russie élaboré par la Rand Corporation, le plus influent think tank étasunien qui, avec un staff de milliers d’experts, se présente comme la plus fiable source mondiale de renseignement et d’analyse politique pour les gouvernants des États-Unis et leurs alliés.
La Rand Corp* se vante d’avoir contribué à élaborer la stratégie à long terme qui permit aux États-Unis de sortir vainqueurs de la guerre froide, en contraignant l’Union Soviétique à consommer ses propres ressources économiques dans la confrontation stratégique. C’est de ce modèle que s’inspire le nouveau plan, “Overextending and Unbalancing Russia”, publié par la Rand. Selon ses analystes, la Russie reste un puissant adversaire des États-Unis dans certains domaines fondamentaux. Pour cela les USA doivent poursuivre, avec leurs alliés, une stratégie d’ensemble à long terme qui exploite ses vulnérabilités. Ainsi va-t-on analyser divers moyens pour obliger la Russie à se déséquilibrer, en indiquant pour chacun les probabilités de succès, les bénéfices, les coûts et les risques pour les USA.
Les analystes de la Rand estiment que la plus grande vulnérabilité de la Russie est celle de son économie, due à sa forte dépendance par l’exportation de pétrole et de gaz, dont les recettes peuvent être réduites en alourdissant les sanctions et en augmentant l’exportation énergétique étasunienne. Il s’agit de faire e sorte que l’Europe diminue l’importation de gaz naturel russe, en le remplaçant par du gaz naturel liquéfié transporté par mer depuis d’autres pays.
Une autre façon de nuire dans le temps à l’économie de la Russie est d’encourager l’émigration de personnel qualifié, notamment des jeunes Russes avec un niveau élevé d’instruction. Dans le domaine idéologique et informatif, il faut encourager les contestations internes et en même temps miner l’image de la Russie à l’extérieur, en l’excluant de forums internationaux et en boycottant les événements sportifs internationaux qu’elle organise.
Dans le domaine géopolitique, armer l’Ukraine permet aux USA d’exploiter le point de plus grande vulnérabilité extérieure de la Russie, mais cela doit être calibré pour garder la Russie sous pression sans arriver à un grand conflit dans lequel elle aurait le dessus.
Dans le domaine militaire les USA peuvent avoir des bénéfices élevés, avec des coûts et des risques bas, par l’accroissement des forces terrestres des pays européens de l’OTAN dans une fonction anti-Russie. Les USA peuvent avoir de hautes probabilités de succès et de forts bénéfices, avec des risques modérés, surtout en investissant majoritairement dans des bombardiers stratégiques et missiles d’attaque à longue portée dirigés contre la Russie.
Sortir du Traité FNI et déployer en Europe de nouveaux missiles nucléaires à portée intermédiaire pointés sur la Russie leur assure de hautes probabilités de succès, mais comporte aussi de hauts risques.
En calibrant chaque option pour obtenir l’effet désiré -concluent les analystes de la Rand- la Russie finira par payer le prix le plus haut dans la confrontation avec les USA, mais ceux-ci aussi devront investir de grosses ressources en les soustrayant à d’autres objectifs. Ils pré-annoncent ainsi une forte augmentation ultérieure de la dépense militaire USA/OTAN aux dépens des dépenses sociales.
Voilà l’avenir que nous trace la Rand Corporation, le think tank le plus influent de l’État profond, c’est-à-dire du centre souterrain du pouvoir réel détenu par les oligarchies économiques, financières et militaires, celui qui détermine les choix stratégiques non seulement des USA mais de tout l’Occident.
Les “options” prévues par le plan ne sont en réalité que des variantes de la même stratégie de guerre, dont le prix en termes de sacrifices et de risques est payé par nous tous.
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
*La RAND Corporation : Research ANd Development (recherche et développement)
Malgré la signature d’un nouveau traité entre la France et l’Allemagne à Aix-la-Chapelle, le 22 janvier 2019, qui parodie le traité de l’Élysée du 22 janvier 1963, force est de constater un paradoxe, l’indéniable dégradation des relations franco-allemandes. L’élection d’Emmanuel Macron avait pourtant ravi la caste politicienne outre-Rhin. L’européisme revendiqué, le réformisme affiché dans un sens de la rigueur budgétaire et le libéralisme en même temps économique et culturel du nouveau président français séduisaient les caciques de la CDU – CSU, du SPD, des Grünen et des libéraux.
Ainsi dès les premiers mois de sa présidence, Emmanuel Macron insista-t-il sur une nécessaire « souveraineté européenne », la création d’un budget commun de la Zone euro et le renforcement des coopérations inter-européennes avancées. Or Berlin répondit à toutes ces propositions audacieuses par une fin de non-recevoir. Le vice-chancelier social-démocrate, Olaf Scholz, et la nouvelle dirigeante de la CDU, Annegrett Kramp-Karrenbauer, revendiquèrent au contraire la mutualisation, sinon l’européisation, du siège permanent de la France au Conseil de sécurité de l’ONU et l’installation définitive du Parlement européen à Bruxelles aux dépens de Strasbourg.
Douché par ces initiatives intempestives, le président français comprend qu’il ne peut compter sur une classe politicienne allemande arc-boutée sur un statu quo déclinant alors que la première puissance économique d’Europe entre dans son hiver démographique, refuse de rénover ses infrastructures et se voit en prochaine victime des guerres douanières mondiales déclarées par Donald Trump. Même si les différents entre Berlin et Paris sont moins médiatiques que les tensions franco-italiennes, ils ne cessent de s’accumuler.
L’Allemagne ne permet pas à la France et à la Grande-Bretagne de livrer à l’Arabie Saoudite des armements dotés de composants allemands. Les industriels français de la défense n’apprécient guère cette interdiction. Le 29 avril dernier s’est tenu à Berlin un sommet informel sur les Balkans de l’Ouest (Serbie, Monténégro, Kossovo, Macédoine du Nord, Albanie, Croatie, Slovénie et Bosnie-Herzégovine). Les divergences entre les diplomaties française et allemande n’ont jamais été aussi grandes concernant cette région stratégique du Sud-Est de notre continent.
Le gouvernement allemand a réaffirmé son désir d’intégrer à terme les États balkaniques dans l’Union dite européenne. La France défend au contraire la suspension plus ou moins longue du processus d’« élargissement ». Paris propose en outre de résoudre le conflit serbo-kossovar par des échanges de territoires, ce qui implique l’abandon exceptionnel du principe de l’intangibilité des frontières. Cette hypothèse irrite Berlin. L’Allemagne craint en effet que la susceptible Pologne y voit une remise en cause implicite de la frontière Oder – Neisse.
Il est instructif de savoir qu’à l’occasion de ce sommet, Angela Merkel en fin de parcours et Emmanuel Macron n’ont discuté qu’un petit quart d’heure ! Les politiciens allemands, Wolfgang Schäuble en tête, ne font plus confiance à Macron depuis que ce dernier a concédé quelques milliards aux Gilets jaunes. Emmanuel Macron commence à comprendre les manœuvres dilatoires allemandes, d’où son intention de briser le binôme dirigeant PPE – socialistes au Parlement européen au profit de majorités d’idées plus volatiles. Le Rhin devient un peu plus chaque jour une faille béante entre ses deux rives…
Georges Feltin-Tracol
• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 125, mise en ligne sur TV Libertés, le 13 mai 2019.
J’aime bien faire remarquer avec une certaine perfidie que cela fait bien longtemps que l’on n’entend plus parler des retraites par capitalisation qui seraient un système extraordinaire venu des Etats-Unis et qui devrait vite être mis en place sous les latitudes hexagonales.
Vous n’en entendez plus parler à vrai dire, depuis que les banques centrales du monde libre (comprendre occidental et pro-américain) ont fixé les taux d’intérêt proches de 0! Il faut dire qu’avec des placements qui rapportent rien du tout, il est très difficile de faire gagner de l’argent au fonds de retraite par capitalisation et accessoirement au futur retraité.
Les taux à zéro posent donc un immense problème au système de retraite par capitalisation américain évidemment basé sur la valeur de l’argent matérialisée par les taux! Si l’épargne ne rapporte rien, si l’épargne ne s’apprécie pas, alors elle perd du pouvoir d’achat. C’est l’inverse de ce qu’il faut pour faire un système par capitalisation. Capitaliser c’est recevoir des intérêts que l’on conserve chaque année, qui se « capitalisent » et qui « rapportent » pour constituer une somme très importante qui sera reversée plus tard sous forme d’une rente.
Lorsque la FED, la banque centrale américaine monte les taux d’intérêt, c’est exactement cela qu’elle veut combattre, à savoir lutter contre l’évidente faillite du système de retraite.
Ce qui est valable pour le système privé par capitalisation, l’est aussi pour la sécurité sociale « publique » américaine qui fait face à un trou officiel non comptabilisé dans la dette publique puisqu’il s’agit des engagements futurs toujours comptés dans « le hors bilan ». (En France aussi beaucoup de choses sont « cachées » dans le hors-bilan).
Les chiffres sont ahurissants et donnent le vertige
Les engagements futurs de la sécu américaine sont de 176 000 milliards de dollars… vous avez bien lu!
Les recettes estimées dans la même période sont de 130 000 milliards de dollars…
Le déficit lui est de 43 000 milliards de dollars la différence étant dans un fonds qui détient quelques actifs pour l’équivalent de 3 000 milliards de dollars.
Conclusion?
Les Américains vont soit se voir diminuer de 43 000 milliards les prestations sociales, soit se voir augmenter d’autant les ponctions fiscales ce qui devraient se passer dans les années qui viennent. Mais ce n’est là qu’un des aspects d’un total à 239 000 milliards de dollars, oui, vous avez bien lu. 239 000 milliards de dollars. « Je vais bien, tout, va bien, il n’y a pas de problème »!!!
Voici ce qu’en dit cet article dont j’ai traduit pour vous l’essentiel.
La Sécurité sociale vient d’avoir un déficit de 9 000 milliards de dollars, et personne n’a remarqué
« Le rapport annuel des administrateurs de la Sécurité sociale a été publié récemment et montre que la Sécurité sociale a enregistré un déficit gigantesque de 9 000 milliards de dollars entre l’année dernière et cette année. Le passif non capitalisé à long terme du système s’élève maintenant à 43 000 milliards de dollars , contre 34 000 milliards l’an dernier.
C’est drôle, personne n’a remarqué.
Ai-je raté un tweet du président? Je ne pense pas. Qu’en est-il de la presse? Quelqu’un a-t-il vu un article sur le déficit de la Sécurité sociale dépassant le déficit fédéral d’un facteur 11? Non.
La presse couvre la dette fédérale « officielle » dans les bilans, mais ignore la dette fédérale non officielle dans les hors-bilans.
Le fait qu’un ensemble de dettes figure dans les bilans en raison du choix des catégories par le Congrès et un autre ne l’est plus, encore une fois, en raison du choix des catégories par le Congrès. En matière économique, la presse croit trop souvent simplement ce qu’on lui dit.
Qu’en est-il des myriades de démocrates qui se présentent à la présidence? La Sécurité sociale est leur fierté et leur joie. Ont-ils pesé sur la hausse massive de sa dette massive? Aucun d’entre eux n’en parle.
Le secrétaire au Trésor, Steve Mnuchin, a sûrement fait part de ses préoccupations concernant le déficit de 9 000 milliards de dollars de la Sécurité sociale. Après tout, il est l’un des administrateurs du système. Il a signé le rapport. Curieusement, il ne l’a pas fait.
Le passif non capitalisé est le chiffre le plus important et le plus effrayant du rapport. Le secrétaire et ses collègues administrateurs l’ont ignoré dans leur déclaration sommaire pour la même raison qu’ils l’ont enterré à l’arrière de leur rapport.
C’est de la dynamite politique.
Il indique aux personnes âgées que ce qui leur a été promis ne sera probablement pas intégralement payé. Et cela indique aux jeunes qu’ils pourraient être confrontés à des taxes supplémentaires pouvant aller jusqu’à 43 000 milliards de dollars, dont le paiement ne leur rapporterait absolument rien.
Le secrétaire au Trésor est un banquier et les banquiers connaissent les bilans. Le passif non capitalisé est une déclaration importante concernant le bilan de la Sécurité sociale.
Sur le côté droit du bilan de la Sécurité sociale se trouvent ses passifs, tous évalués au présent, c’est-à-dire à la valeur actuelle. Les engagements du système correspondent aux obligations au titre des prestations projetées (176 000 milliards de dollars) envers les retraités actuels, les travailleurs actuels et futurs.
À gauche se trouvent les actifs du système. Il s’agit de la valeur du fonds en fiducie (3 000 milliards de dollars) et de la valeur actuelle de ses recettes prévues au titre des taxes sur la masse salariale (130 000 milliards de dollars) des travailleurs actuels et futurs.
Les bilans sont destinés à être équilibrés, d’où leur nom.
Quand ils ne le sont pas, faites attention.
Cela signifie que l’entité est en faillite. Lorsque les passifs non cachés (cachés) d’Enron ont été rendus publics, Enron a immédiatement fait faillite car son passif total (inscrit dans les livres) dépassait de loin ses actifs.
Lorsque les actifs de Lehman Brothers ont été évalués à un niveau proche de zéro au beau milieu de la panique financière de 2008, elle a été obligée de fermer ses portes.
La Sécurité sociale n’est pas différente.
Son passif dépasse de 43 000 milliards de dollars son actif.
Le système est en ruine en raison de changements dans les prévisions des actuaires.
La Sécurité sociale est sous-financée à 33% (43 000 milliards de dollars divisés par 130 000 milliards de dollars). Il s’agit du pourcentage d’augmentation immédiate et permanente du taux de 12,4% de la taxe sur la masse salariale de la Sécurité sociale nécessaire pour éliminer l’écart financier du système.
Cela représente 4,1 cents de plus d’impôts FICA que nous devons payer pour chaque dollar que nous gagnons, dans la limite du plafond des gains couverts de la Sécurité sociale, qui s’élève maintenant à 139 200 dollars. Alternativement, nous pourrions réduire toutes les prestations de la Sécurité sociale, immédiatement et de façon permanente, de 24% (43 000 milliards de dollars divisés par 175 000 milliards de dollars).
Plus nous attendons, plus le fardeau des jeunes générations sera lourd.
Le reste du système fiscal ne peut-il pas sauver la Sécurité sociale? Certes, nous pourrions utiliser les recettes générales pour aider à combler le déficit de la Sécurité sociale. Malheureusement, la réponse est non.
L’écart financier pour l’ensemble du gouvernement fédéral ne correspond pas aux 17 000 milliards de dollars de dette publique (calculés par le Bureau du budget du Congrès et rapportés par la presse).
Ces 17 000 milliards de dollars de dettes ne sont pas non plus la dette officielle totale.
Au lieu de cela, c’est la dette publique de 17 000 milliards de dollars, auxquels il faut rajouter les 43 milliards de dollars de dette hors-bilan de la Sécurité sociale sans oublier les 179 000 milliards de dollars du reste de la dette hors-bilan du système fiscal!!
Autrement dit, le système fédéral dans son ensemble présente un déficit financier de 239 000 milliards de dollars !
239 000 milliards de mille sabords!!
Bon lorsque l’on atteint ce genre de chiffre, nous ne sommes tout simplement plus dans le vrai monde ni dans la véritable vie. Nous sommes dans un délire collectif, dans une fiction imaginaire d’un système que l’on peut appeler argent-dette et qui vit évidemment ses derniers instants.
Toutes les grandes institutions, pour le moment, jouent le jeu, elles jouent la partie.
On imprime les billets nécessaires.
On demande à tous de croire que tout va bien. Que tout est normal.
Si quelqu’un dit que les monnaies imprimées ne valent rien et qu’il faut acheter de l’or, on lui tord le bras, si ce n’est pas assez on envoie les porte-avions et on lui casse la gueule.
Dans un système de changes flottants, où les monnaies ne sont jamais arrimées à un étalon-de valeur fixe comme pourrait l’être l’or, alors chaque mauvaise monnaie flotte par rapport aux autres. Quand le dollar baisse parce que la FED vient d’imprimer 5 000 milliards, l’euro lui monte. Mais cette hausse n’est pas durable, puisque l’année d’après c’est la BCE qui imprime… 4 500 milliards d’euros. L’euro baisse, le dollar remonte.
Pourtant les banques centrales européennes et américaines viennent d’imprimer 10 000 milliards ces dernières années.
Tout le monde fait mine de croire que les euros et les dollars valent la même chose.
Tout ceci peut durer tant que tous les acteurs de la pièce seront d’accord pour que la partie dure.
Pourtant au bout du compte, nous ne paierons pas toutes ces dettes, parce que c’est tout simplement impossible. Nous les paierons en monnaie de singe au mieux. Au pire nous ferons une grande réforme du système monétaire. Nul n’en connaît ni la date ni l’heure mais ce moment arrivera.
C’est en préparation de ce moment, que vous avez intérêt à sur-pondérer les actifs tangibles dans votre patrimoine.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
Charles SANNAT« Insolentiae » signifie « impertinence » en latin Pour m’écrire charles@insolentiae.com Pour écrire à ma femme helene@insolentiae.com
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)
« Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Insolentiae.com est le site sur lequel Charles Sannat s’exprime quotidiennement et livre un décryptage impertinent et sans concession de l’actualité économique. Merci de visiter mon site. Vous pouvez vous abonner gratuitement à la lettre d’information quotidienne sur www.insolentiae.com. »20
Attention ! Prochaines mises en ligne des analyses de Georges Feltin-Tracol, le lundi 27 mai 2019. Georges Feltin-Tracol exprime ici son point de vue de citoyen français engagé, à un moment historique difficile pour son pays et pour l'Europe.
Les élections au Parlement européen ne déchaînent jamais la passion des foules depuis 1979. Cette apathie naturelle est bien sûr favorisée, valorisée et amplifiée par les médiats qui discriminent volontiers certaines des trente-quatre listes en lice. À ce tri d’accès à la diffusion à partir de sondages biaisés s’ajoutent les nombreuses difficultés pour financer une campagne électorale quand la mafia bancaire fait tout afin de nuire aux candidatures les plus rétives à ses dogmes.
Dans ces conditions matérielles et médiatiques défavorables, l’abstention, le vote blanc et le bulletin nul présenteraient l’avantage de récuser ce Système abject. Ce serait pour la circonstance une grave erreur. Autant il sera légitime de se détourner des municipales de l’an prochain, autant participer à ces élections européennes est impératif. Les électeurs doivent avant tout rejeter massivement la liste « Dégénérescence » de Nathalie Loiseau, naguère étudiante en Sciences Po qui se retrouva à l’insu de son plein gré candidate d’une formation étudiante fondée quelques années auparavant par Emmanuel Ratier. Dans le même ordre d’idées, il va de soi que la liste féministe de Nathalie Tomasini, « À voix égales », devrait recevoir de la part des électeurs une magistrale correction dans les urnes parce que le féminisme n’est pas une opinion, mais un poison pour notre civilisation.
La gauche en miettes
Le scrutin de dimanche prochain offre le spectacle jubilatoire d’une gauche explosée. Délaissons les soi-disant « Insoumis » de Jean-Luc Mélenchon qui abandonnent la posture populiste de gauche pour l’inévitable gauchisme culturel. Le conseiller régional en Auvergne – Rhône-Alpes Andréa Kotarac vient de quitter La France insoumise (LFI) et appelle à voter RN. Son constat rejoint celui des autres souverainistes de gauche dont Djordje Kuzmanovic. Pseudo-« indigénistes » (les seuls indigènes en Europe sont les Albo-Boréens) et féministes hystériques maîtrisent maintenant l’appareil de LFI. N’oublions pas en outre que des séides de LFI siègent pour l’heure dans une commission d’enquête parlementaire contre l’« extrême droite » tendance Vychinski qui ose persécuter un groupe de chanteuses talentueuses, Les Brigandes… Voter LFI revient à se cracher dessus. Le PCF tente de s’extraire des poubelles bien méritées de l’histoire sous l’impulsion de l’« ultra-révolutionnaire » Ian Brossat, adjoint au maire de la néo-post-hyper-sociétaliste bien connue Anne Hidalgo. Le groupuscule de la place du Colonel-Fabien (à quand son changement en place Colonel-Rémy ?) subit une double concurrence, celle, d’une part, des « moines – militants » de Lutte ouvrière dont l’abnégation et l’engagement au quotidien devraient inspirer bien des nôtres et, d’autre part, du Parti révolutionnaire – Communistes d’Antonio Sanchez. Il ne s’agit pas d’une énième résurgence trotskyste, mais d’une scission du PCF survenue en 2002. Ce mouvement réunit les tenants d’un communisme marxiste-léniniste néo-stalinien, nostalgiques de la SFIC du début des années 1920.
La social-démocratie n’en cesse plus pour sa part de se décomposer sur pied. Sa longue et lente agonie se caractérise par deux listes. Un PS mal en point s’est allié à Nouvelle Donne de Pierre Larrouturou et à Place publique de Raphaël Glucksmann. Digne fils de son père André, défunt « nouveau philosophe » va-t-en guerre droits-de-l’hommiste, Raphaël Glucksmann demeure ce néo-conservateur belliciste un temps proche du président géorgien Mikheil Saakachvili. Ce sarközyste de gauche a lancé une formation sociale-libérale intitulée d’une façon grotesque Place publique. Y aura-t-il un jour un parti appelé « Décharge publique » ou bien « Tous sur le trottoir ! » ? Essoré par une présidentielle déplorable, Benoît Hamon joue son avenir politique ainsi que celui de son parti Génération.s. S’il continue avec raison à s’interroger sur l’avenir humain du travail et la grande substitution technicienne prochaine, ses propositions restent marquées par un réformisme radical qui déclenche l’hilarité de l’hyper-classe mondialiste.
Passons vite sur « Neutres et actifs », des hurluberlus qui combattent l’abstention, la liste jeuniste en écriture inclusive de Sophie Caillaud, « Allons enfants ! », qui ne compte que des candidats de moins de 30 ans (n’est-ce pas là une manifestation flagrante de discrimination par l’âge normalement puni par les haïssables lois liberticides ?) et celle de Jean-Christophe Lagarde au nom de l’UDI – Force européenne démocrate – La Gauche moderne, soit un centrisme post-sarközyste aussi peu reluisant que bien souvent détestable quand on observe le clientélisme pro-immigration des maires UDI en Île-de-France. D’incurables droitards, éternels abonnés au cocufiage politique, parient au « retour de la droite » en la personne du Versaillais François-Xavier Bellamy (1). Ils s’illusionnent une nouvelle fois sur les caniches hexagonaux d’Angela Merkel et d’Annegret Kramp-Karrenbauer. Dans le cadre du PPE, Les Républicains de Laurent Wauquiez obtempèrent aux injonctions de la CDU – CSU. Tout Européen résolu ne saurait choisir la liste Bellamy, faction libérale-conservatrice du globalitarisme.
Plusieurs nuances de vert
Les forces écologistes présentent entre cinq et six listes. Outre celle du député européen sortant Yannick Jadot accusé d’être un « écotartuffe » par le mensuel La Décroissance en raison de ses positions libérales-libertaires, « Urgence Écologie » de l’universitaire Dominique Bourg rassemble l’ancienne ministre de l’Écologie de François Hollande, Delphine Batho, et le président du Mouvement des écologistes indépendants Antoine Waechter. Cette liste « alter-écolo » persiste néanmoins dans l’impolitique, ignore les enjeux de la puissance et se complaît dans le globalisme planétaire. Quant au Parti animaliste, il joue sur l’émotion publique en exposant sur des affiches de sympathiques gueules de chien et de chat. Ce parti veut l’abolition de traditions européennes comme la tauromachie ou la chasse.
Les décroissants ont réussi à monter une liste. Leur programme radical fait toutefois l’impasse sur l’inévitable décroissance des flux migratoires du Sud vers le Nord et la régulation draconienne de la démographie africaine. Ces béni-oui-oui des sordides droits de l’homme ne prennent toujours pas en compte les excellentes analyses du visionnaire finlandais Pentti Linkola. Fidèles aux rendez-vous européens, les espérantistes soutiennent la langue artificielle inventée par Ludwik Zamenhoff et utilisée plus ou moins régulièrement aux réunions internationales vertes et anarchistes comme la langue véhiculaire officielle de l’Union pseudo-européenne. Utopie (hors sol !) quand tu nous tiens…
Favorable à une République européenne bo-bo, inclusive et libre-échangiste, le Parti des citoyens européens se trouve au carrefour de l’écologie et du fédéralisme européen. Il se trouve en concurrence avec la liste du Parti fédéraliste européen. Elle décline le principe de subsidiarité entre l’État européen, les nations membres et leurs régions. Même si son unique élu allemand appartient au groupe des Verts – Alliance libre européenne, le Parti pirate défend principalement la neutralité d’Internet et s’oppose à la mainmise par les transnationales de la Toile mondiale. Les questions fiscales européennes intriguent une Union démocratique pour la liberté, égalité, fraternité dont l’intitulé ne dit rien qui vaille.
Souverainisme et « Gilets Jaunes »
À l’opposé des fédéralistes européens s’activent des candidats nationistes, nationaux-républicains et souverainistes. Les Patriotes de Florian Philippot n’ont aucun intérêt. La liste du député non-inscrit de l’Essonne Nicolas Dupont-Aignan frôle les 5 %. Un échec ne serait que justice. Malgré de fréquents coups d’éclat médiatiques, l’ancien maire d’Yerres a plié devant le politiquement correct en virant Emmanuelle Gave qui ne supporte pas l’existence en France de lois liberticides et en acceptant au contraire des zélotes du matriarcat. Debout la France demeurera toujours Debout la République !. Partisan du Frexit et contempteur du « Grand Remplacement », François Asselineau ne pouvait pas ne pas rater cette échéance électorale. Bénéficiant du renfort très people d’Aurélien Enthoven, le fils de Raphaël et de Carla Bruni Sarközy (les dîners du dimanche doivent être agités avec son ancien président de la République de beau-père), l’UPR (Union populaire républicaine) persiste dans sa perception obsolète d’un Hexagone débarrassé de toute « ingérence » européenne et en revanche ouvert à flux une suicidaire francophonie cosmopolite.
L’Alliance royale se conforme encore avec les règles républicaines. En refusant d’entrer dans les querelles entre prétendants, elle projette toutefois un royalisme sans visage et désincarné, tout le contraire du royalisme exposé par Vladimir Volkoff. « Le corps du roi est le roi, écrit-il. […] La royauté héréditaire commence là où commence l’homme : dans les reins d’un monsieur et dans le ventre d’une dame. Ce qui en naît, c’est un corps humain qui est le gage de la royauté (2). »
Les sondages placent le Rassemblement national de Jordan Bardella (avec Marine Le Pen en avant-dernière position non éligible) au coude-à-coude avec la coalition en décadence avancée LREM – MoDem – AGIR (droite juppéiste) – Mouvement radical libéral. La présidente du RN a créé la curiosité en désignant un jeune militant politiquement chevronné. Outre la présence de deux sarkozystes non repentis (Thierry Mariani et Jean-Paul Garraud), l’essayiste Hervé Juvin, par ailleurs chroniqueur géopolitique à Éléments et malgré de fortes contradictions (3), figure en cinquième place. Le discours frontiste pour cette campagne connaît un net infléchissement thématique sous l’influence de ce dernier en matière d’écologie, de localisme et de protectionnisme intelligent. Toutefois, l’ambiguïté perdure plus que jamais à propos de l’après – 26 mai. En raison des grandes manœuvres de la Lega dont le secrétaire fédéral, Matteo Salvini, frise l’hybris politique, avec le PiS, l’AfD et le Fidesz, il est envisageable que les députés européens du RN siègent finalement chez les non-inscrits. Ni Jaroslaw Kaczynski, ni Viktor Orban n’apprécient Marine Le Pen pour diverses raisons (absence d’une quelconque expérience gouvernementale, origines néo-fascistes du FN, soutien affiché à la Russie de Vladimir Poutine). Ils se défient aussi de l’amateurisme des élus marinistes et de leur propension à la gabegie financière. Les témoignages de Sophie Montel et de Jean-Paul Tisserand sont très pertinents (4). Peut-on enfin voter pour des candidats nommés par Marine Le Pen, la même qui dansait et chantait le soir de sa défaite présidentielle ? Plus que le débat de l’entre-deux-tours, c’est ce comportement désinvolte qu’il importe de sanctionner.
Malgré des sondages peu flatteurs, le mouvement hétéroclite et composite des « Gilets Jaunes » a sorti trois listes sans oublier des « Gilets Jaunes » candidats chez Dupont-Aignan et Philippot. Souhaitant la taxation du kérosène et une taxe Tobin plus rigoureuse et plus élevée sur les transactions financières internationales, le chanteur Francis Lalanne dirige une « Alliance jaune ». Ce partisan du non à Maastricht en 1992, un temps proche de Jean-Pierre Chevènement avant de rallier un écolo-naturalisme marginal, Francis Lalanne garde le silence sur l’immigration de masse. Gilles Helgen conduit un « Mouvement pour l’initiative citoyenne ». Il propose le RIC aux niveaux national et européen. Sait-il au moins qu’une démopédie est d’abord indispensable avant de recourir à l’initiative référendaire ? User du référendum d’initiative populaire aujourd’hui en France serait suicidaire du fait de l’abêtissement généralisé de la population. Candidat divers droite aux législatives de 2017, Christophe Chalençon anime la liste, « Évolution citoyenne », favorable à une « Europe des peuples souverains » et à une révision du droit du sol. L’artisan forgeron du Vaucluse ne brille pas par son sens politique. Il souhaitait cet hiver la nomination à Matignon du général atlantiste Pierre de Villiers alors que sa liste réclame la sortie de la France de l’OTAN. Sans appartenir directement aux « Gilets Jaunes », la liste « Les oubliés de l’Europe » soutenue par une Coordination nationale des indépendants rappelle la présence courante des intérêts catégoriels exprimés sous l’appellation des « socio-professionnels » (artisans, professions libérales, commerçants et indépendants). En 1979, Philippe Malaud monte une liste liée aux socio-professionnels, « Défense interprofessionnelle – Union des travailleurs indépendants pour la liberté d’entreprise » (1,40 %). Cinq ans plus tard, Gérard Nicoud, l’emblématique chef du CIDUNATI (Confédération intersyndicale de défense et d’union nationale des travailleurs indépendants), déposa une liste, « Union des travailleurs indépendants pour la liberté d’entreprendre (UTILE) », vite phagocytée par la liste frontiste (0,68 %). Des listes socio-professionnelles figurèrent entre 2004 et 2014 dans les différentes circonscriptions interrégionales.
Présence des banlieues
Il faudra étudier avec soin le résultat, bureau de vote par bureau de vote, de deux listes surgies des « banlieues de l’immigration ». Dernière venue après un étonnant repêchage de la part du Conseil d’État (une liste identitaire aurait-elle bénéficié de la même indulgence ?), l’Union des démocrates musulmans français (UDMF) a constitué une « Union pour une Europe au service des peuples ». Son chef de file, Nagib Azergui, aimerait sans surprise renforcer la lutte contre les discriminations et accorder aux étrangers extra-européens le droit de vote aux élections locales. Pis, dans le programme officiel de l’UDMF, on lit une incroyable mesure liberticide, une énième loi qui « condamnera toute diffusion de discours de haine envers la communauté musulmane et permettrait, notamment en France, au ministère de l’Intérieur de dissoudre toute association ou groupement islamophobe, tous médias qui exploitent cette littérature islamophobe pour se faire du profit en véhiculant des théories complotistes dangereuses (à l’exemple de la théorie du grand remplacement) ». L’augmentation du nombre des mosquées et la multiplication des enseignes hallal ne sont-elles pas des signes tangibles d’une immigration de peuplement ? Le complotisme est la négation de la réalité. L’UDMF prend cette élection pour une répétition générale avant les municipales du printemps 2020. Il faudrait cependant que l’électorat immigré se mobilise pour un scrutin qui l’indiffère.
« Démocratie représentative » du Franco-Malien Hadama Traoré tient un discours favorable au Pacte de Marrakech, estime que « la sémantique “ immigration ” est une insulte » et se veut le porte-parole d’une « majorité silencieuse (zone rurale, zone périphérique et la banlieue) (5) ». Pas certain que cela suscite l’engouement des populations africaines dans l’Hexagone…
Le choix de l’audace
Soutenue par Karim Ouchikh, le président du SIEL (Souveraineté, Identité et Libertés) et conduite par l’écrivain Renaud Camus, fondateur du Conseil national de la Résistance européenne et concepteur du « Grand Remplacement », « La Ligne claire » s’oppose à l’idéologie officielle remplaciste. La centaine de propositions dépassent l’enjeu européen et tendent plus vers une possible candidature présidentielle en 2022. Certaines se réfèrent au philosophe Jacques Ellul telles l’interdiction des courses et rallyes automobiles et motocyclistes (proposition 61). D’autres s’approchent des thèses décroissantes ou bien s’inscrivent dans une surprenante fidélité aux valeurs sinon républicaines pour le moins occidentales, celles qui contribuent au processus de remplacement en cours des peuples européens et du fallacieux « vivre-ensemble » multiculturaliste ! De tierces propositions se révèlent parfois incongrues comme la reconnaissance officielle de Jérusalem en tant que capitale de l’État d’Israël (proposition 86), quitte à refuser la suggestion vaticane de ville internationale, ou l’adhésion de la France au groupe de Visegrad (proposition 90) sans comprendre que ce groupe informel connaît maintes dissensions internes. Ce n’est pas pour rien si l’Italie et l’Autriche ne l’ont pas rallié… Bien que courageuse et fort européenne (faire de Vienne la capitale du Continent), la liste de Renaud Camus ne convainc pas.
Finalement, la liste la plus prometteuse porte le n° 10; c’est celle de La Dissidence française, « La Liste de la Reconquête ». Ce jeune parti politique a pu se présenter malgré une pesante chape de plomb médiatique; preuve que rien n’est impossible pour ceux qui ont une forte volonté. Certes, les beaux esprits parlent de nécessité tactique pour justifier leur vote pour le RN. C’est toujours pour eux « tactique ». C’était tactique de voter Sarközy aux primaires de la droite. C’était tactique de choisir François Fillon au premier tour de 2017. Aujourd’hui, il serait tactique de privilégier la raison au cœur. Bel aveuglement ! N’hésitons pas par conséquent à imprimer chez soi le bon bulletin, celui de la Reconquête. La Dissidence française doit devenir à l’instar de CasaPound en Italie ou du NPD en Allemagne un vrai aiguillon de radicalité. L’audace passe par conséquent par le seul vote révolutionnaire, nationale, identitaire, sociale, populaire et européen possible, à savoir « La Liste de la Reconquête » de Vincent Vauclin.
Georges Feltin-Tracol
Notes
1 : cf. Henry de Lesquen, « Bellamy, roi des candaules », mis en ligne sur YouTube, le 11 mai 2019.
2 : Vladimir Volkoff, Du Roi, Julliard – L’Âge d’Homme, 1987, pp. 32 – 33.
3 : cf. Georges Feltin-Tracol, « Hervé Juvin entre deux rives », mis en ligne sur Europe Maxima, le 6 janvier 2019.
4 : Sophie Montel, Bal tragique au Front national. Trente ans au cœur du système Le Pen, Éditions du Rocher, 2019, et Jean-Paul Tisserand, Front national. Un économiste dans la tourmente, manuscrit inédit, 2019. Ces deux témoignages confirment l’incompétence crasse d’un appareil dirigeant, faute d’école de cadres et d’instances de réflexions.
5 : « La sémantique immigration est une insulte », entretien avec Hadama Traoré mis en ligne sur Breizh-Info, le 8 mai 2019.
Début de conflit entre le Pentagone et l'Europe sur les questions de défense
par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
Washington tente de convaincre l'Union européenne de le soutenir dans ses projets de guerre contre l'Iran. Les Européens sont plus que réticents.
Mais cette question pose à nouveau la question de savoir si l'Union européenne, ou si certains Etats de celle-ci, en premier lieu la France, pourront sans conflits graves avec Washington, se doter d'une armée européenne indépendante de l'Otan et s'équipant en priorité de matériels militaires conçus et fabriqués en Europe.
Le 1er mai, le département de la Défense des États-Unis a envoyé une lettre à l'Union européenne l'avertissant que la création par les Européens d'une armée indépendante des Américains pourrait entraîner l'effondrement de l'alliance de l'OTAN entre les États-Unis et les Etats européens. La lettre, envoyée par les sous-secrétaires américains à la Défense, Ellen Lord et Andrea Thompson, à la responsable de la politique étrangère de l'Union, Federica Mogherini, a été évoquée é par le quotidien espagnol El Pais le 13 mai. On notera que ce même jour, le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo, s'était invité sans y avoir été convié à une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Union à Bruxelles pour exiger leur soutien aux projets américains de guerre contre l'Iran.
La lettre du Département de la Défense indiquait que « Les États-Unis sont profondément préoccupés par l'approbation des règles relatives au Fonds européen de défense et des conditions générales de la Coopération structurée permanente (CSP) ». La lettre a précisé qu'une armée européenne entraînera «un recul spectaculaire de trois décennies d'intégration croissante du secteur de la défense transatlantique». Elle a mis en garde contre le danger d'une «concurrence inutile entre l'OTAN et l'UE».
Cette lettre comportait la menace plus ou moins voilée visant de possibles représailles politiques ou commerciales si Bruxelles maintenait son intention de développer « des projets d'armement européens sans consulter des pays extérieurs, comme les États-Unis». On rappellera à ce sujet que le Fonds européen de la défense stipule que les entreprises européennes doivent contrôler la technologie utilisée dans les systèmes d'armement européens, sans dépendre nécessairement de technologies étrangères, notamment américaine.
Faisant référence aux conflits qui avaient éclaté lorsque Berlin et Paris s'étaient opposées à l'invasion de l'Irak par les États-Unis en 2003, la lettre indique que les projets européens actuels «pourraient non seulement nuire aux relations constructives entre l'OTAN et l'Union Européenne, mais également relancer potentiellement les échanges tendus qui ont dominé nos relations il y a 15 ans sur les initiatives de défense de l'Europe».
Le sérieux avec lequel des menaces de rupture de l'alliance américano-européenne sont prises en Europe a trouvé un écho dans la publication cette semaine d'une étude réalisée par le groupe de réflexion IISS (International Institute of Strategic Studies) à Londres. Cette étude, intitulée «Défendre l'Europe: les scénarios de capacités nécessaires pour les membres européens de l'OTAN», évalue les coûts supportés par l'Europe pour reconstruire la capacité militaire de l'OTAN si les États-Unis abandonnaient l'alliance. Mais l'IISS n'envisage apparemment que la question de la défense de l'Europe en cas d'une invasion russe. Il évalue en ce cas le renforcement de capacité navale pour un coût de 110 milliards de dollars et des dépenses de 357 milliards de dollars ;
Ceci en soi ne devrait pas inquiéter Washington. Une éventuelle armée européenne n'est en rien présenté par l'Union comme devant mener une guerre contre les Etats-Unis. Mais ce qui inquiète ceux-ci est la perspective de voir les industries de défense européenne faire appel à leurs ressources propres plutôt que dépendre massivement, comme c'est le cas actuellement, à l'exception de la France, de l'industrie militaire américaine. Celle-ci fait la loi au Pentagone.
Aujourd'hui, l'Espagne donne l'exemple en matière de désolidarisation d'avec la politique américaine dans le domaine d'une possible guerre américaine contre l'Iran. Elle retiré sa frégate Méndez Núñez du groupe aéronaval dirigé par les États-Unis et mené par le porte-avions Abraham Lincoln, qui se rend dans le golfe Persique pour menacer l'Iran. La ministre espagnole de la Défense, Margarita Robles, a déclaré «Si le gouvernement nord-américain a l'intention de faire en sorte que le porte-avions Abraham Lincoln se rende dans une zone donnée pour une mission dont il n'a jamais convenu avec l'Espagne, nous quittons provisoirement le groupement tactique.» Elle a cependant assuré que Washington ne devait pas considérer cela comme une rupture définitive. On pourra lire à ce sujet Challenges
Rappelons que des tensions s'accentuent également au sujet des relations entre l'Europe et la Chine, après que l'Italie eut officiellement signé en mars un mémorandum d'accord approuvant l'Initiative d chinoise de la BRI ou la nouvelle route de la soie), un vaste plan d'infrastructure eurasien pouvant inclure certains Etats européens, ceci malgré les objections des États-Unis. Par ailleurs, Washington a menacé l'Allemagne et la Grande-Bretagne de suspendre la coopération en matière de renseignement pour avoir autorisé la société chinoise Huawei à participer à la construction de leur réseau de télécommunications.
Ceci dit, il est évident que si certains européens voulaient prendre leur indépendance à l'égard des industries militaires américaines, comme De Gaulle en son temps, ils devraient clairement sortir de l'Otan.
François Bousquet analyse la portée du départ d’Andréa Kotarac de La France insoumise et son appel à voter pour la liste RN de Jordan Bardella. « Désormais, ce sera aux conservateurs type Bellamy à s’allier aux populistes et non plus l’inverse. »
Le conseiller régional Andréa Kotarac quitte la France Insoumise et affirme son soutien à Jordan Bardella, tête de liste au Rassemblement national. Cela va-t-il changer quelque chose politiquement ?
C’est un coup de tonnerre dans le landerneau polico-médiatique, en particulier chez les Insoumis. C’est un basculement chez nos frères ennemis, en l’occurrence le Rassemblement national. Cela clôt l’épisode populiste de 2017et la ligne que Mélenchon avait suivie pendant les élections présidentielles. Elle les avait portés à 20 % des voix. Pour avoir renoncé à cette ligne populiste, les Insoumis sont retombés à moins de 10 points.
La France Insoumise est un peu une auberge espagnole à tendance vénézuélienne. On peut dire que Ruffin était le pied gauche de Mélenchon, Raquel Garrido et Alexis Corbière étaient le bras droit et Djordje Kuzmanovic était la tête gauche. Ce dernier était le conseiller de Mélenchon pour les affaires internationales. Il a dû quitter les Insoumis en septembre pour avoir alerté le parti sur les dangers de l’immigration. Kotarac était le successeur. Danièle Obono était, elle, l’ulcère à l’estomac et l’indigéniste. Il semblerait que l’indigéniste ait pris désormais le dessus dans ce parti. Exit le populisme à gauche. Désormais, le populisme, c’est l’alliance du Rassemblement national et des Gilets jaunes.
Les Gilets jaunes à la France Insoumise ne sont jamais que des cols blancs. Ils ne peuvent rien comprendre aux Gilets jaunes !
Après le départ de Kuzmanovic et celui d’Andréa Kotarac aujourd’hui, peut-on bel et bien dire que le courant populiste de gauche est définitivement mort aux Insoumis ?
Kuzmanovic et Kotarac ont déserté. On peut donc dire qu’il est mort. Kuzmanovic reste un souverainiste de gauche, chevènementiste, incapable de franchir le Rubicon pour des questions générationnelles.
Kotarac a 29 ans. Il est désinhibé vis-à-vis des tabous de l’anti-racisme des années 80. C’est aujourd’hui un chapitre clos. C’est au niveau européen que le populisme est en train de disparaître. Podemos appelle à voter pour le parti socialiste espagnol.
Sahra Wegenknecht avait créé un micro parti sur les dangers de l’immigration, toujours à gauche de la gauche. Elle renonce aujourd’hui à la politique et va faire une carrière télévisuelle comme Raquel Garrido.
C’est le populisme tel que Mélenchon, Podémos et Sahra Wegenknecht l’envisageaient, c’est-à-dire transpartisan. Il est désormais derrière nous.
Manifestement il faut tirer un trait sur le populisme de gauche.
Peut-on pour autant parler de populisme de droite ? En réalité, le populisme, c’est un magma d’appel au peuple, de gilets jaunes, de souverainisme et de conservatisme. Il est classé sur l’échiquier politique à droite, mais je ne suis pas sûr qu’il soit complètement de droite. Il a été fréquent dans l’Histoire de France de voir ce type de débauchage de la gauche de la gauche vers la droite de la droite. C’était fréquent lors de l’épisode boulangiste. Il le redevient aujourd’hui avec le phénomène Front national.
Ce bloc populiste est aujourd’hui majoritaire dans l’opinion. Il n’a aucune perspective de pouvoir. Si vous additionnez les voix populistes entre les souverainistes populistes et conservateurs, on est à 30 % avec le Rassemblement national en tête.
Le rapport de force joue désormais en faveur des populistes et non plus des conservateurs. Marine, Dupont-Aignan et Philippot sont à 30 % et Bellamy à 15 %. Désormais, ce sera aux conservateurs de s’allier avec les populistes et non plus l’inverse.
Qu’a à gagner le Rassemblement national en mettant en avant le ralliement d’Andréa Kotarac ?
De souligner les impasses de ce populisme de gauche. Il lui a mordu quelques voix en 2017 en particulier dans la France périphérique. Il a un électorat populaire qui en 2017 a choisi LFI et non pas le RN. On peut imaginer que cet électorat populaire va désormais basculer vers le Rassemblement national. Kotarac appelle à voter Bardella et ne rejoint pas, pour l’heure, le Rassemblement national. Cela ne peut pas faire de mal au parti de Marine Le Pen.
Le concept de communauté internationale, qui revient de façon récurrente dans le discours des diplomates occidentaux, n’est qu’un artifice destiné à légitimer la politique étrangère des États-Unis. Or celle-ci, porteuse de l’idéologie mondialiste, est contraire aux intérêts de la France et de l’Europe. Aussi notre pays devrait-il, selon Ligne droite, contester l’organisation actuelle des relations internationales et nourrir la grande ambition d’œuvrer à l’avènement d’un « nouvel ordre multipolaire » ancré dans la réalité du monde d’aujourd’hui et axé sur la régulation des échanges.
La notion de communauté internationale, un instrument de l’imperium américain
La notion de « communauté internationale », qui reprend sous un angle un peu différent celui de nouvel ordre mondial très en vogue à la fin du XXe siècle, est en effet une formule des plus ambiguë. Ceux qui s’en réclament laissent entendre qu’ils parlent pour l’ensemble des nations du monde, alors qu’il ne s’agit le plus souvent que des États-Unis et de leurs « alliés ». Cette référence à la communauté internationale est dès lors quasi systématiquement utilisée pour des actions ou des prises de position qui servent les États-Unis et leur vue du monde.
Autant dire, dans ces conditions, que cette notion s’inscrit dans un cadre très politiquement correct. Elle repose sur l’idée que le modèle américain fondé sur le libéralisme et la démocratie va s’étendre au monde entier et s’appuie sur l’idéologie mondialiste qui conduit à supprimer les frontières, à réduire le pouvoir des États et à œuvrer à la globalisation de la planète. En effet, la communauté internationale en question ne se préoccupe pas des identités et considère avec méfiance les États qui y demeurent attachés comme la Russie et tous les pays de l’Est de l’Europe.
Une conception politiquement correcte inadaptée au monde multipolaire d’aujourd’hui
Ligne droite estime en conséquence que les notions de nouvel ordre mondial et de communauté internationale doivent être rejetées car elles véhiculent le mondialisme, le libre-échangisme intégral, l’immigrationnisme et l’atlantisme. À ce titre, elles vont à l’encontre de ce qui est souhaitable pour le France et l’Europe, aussi notre pays doit-il les contester tout en proposant une autre vision.
Cette démarche se révèle d’autant plus légitime que le concept de communauté internationale ne correspond en rien à la réalité du monde d’aujourd’hui. La planète est en effet loin de converger autour du pôle américain, lequel perd d’ailleurs de son influence. Notre époque apparaît au contraire marquée par l’émergence de nouvelles puissances qui structurent la scène mondiale selon un schéma multipolaire. Un schéma qui n’est pas compatible avec la notion de communauté internationale puisqu’aucun des nouveaux pôles émergents comme la Chine, l’Inde ou le monde musulman, pas plus d’ailleurs que la Russie, le Brésil ou l’Afrique, ne sont prêts à s’aligner sur les États-Unis.
Il faut lui substituer le concept de nouvel ordre multipolaire
Ligne droite considère donc que la France devrait se faire le champion d’une autre conception des relations internationales. Une conception qu’elle devrait populariser sous le nom de « nouvel ordre multipolaire » et qui devrait reposer sur deux grands principes : prendre en compte la réalité multipolaire du monde d’aujourd’hui et substituer à l’ultralibéralisme international le principe de la régulation générale de tous les échanges.
Le nouvel ordre multipolaire pour une régulation des échanges
Contrairement au nouvel ordre mondial qui organisait le laisser-faire laissez-passer général tant pour les biens et services que pour les mouvements migratoires, le nouvel ordre multipolaire proposé par la droite nouvelle devrait s’appuyer sur le principe simple selon lequel les échanges ne sont admis que s’ils sont bénéfiques pour les deux parties concernées et doivent donc être régulés en conséquence.
Dans ce cadre, l’organisation du commerce mondial devrait être entièrement revue et de nouvelles négociations devraient être ouvertes en son sein pour mettre en place des écluses douanières entre les grands ensembles économiquement homogènes.
De même, s’agissant de l’immigration, la maîtrise des flux devrait s’imposer comme la règle commune. Aucun mouvement migratoire ne pourrait être organisé sans l’accord des deux pays concernés. Quant aux déplacements clandestins, ils devraient être combattus par les pays d’émigration comme par ceux d’immigration et, dans la mesure où ils sont organisés par des filières mafieuses, traités comme tels par les services compétents.
Le nouvel ordre multipolaire pour la stabilité du monde
Par ailleurs, le nouvel ordre multipolaire devrait prendre en compte la réalité du monde et reconnaître son caractère multipolaire. Pourrait en effet être constitué un G9 d’un nouveau genre regroupant les principaux pôles de puissance: Chine, Japon, Inde, Brésil, États-Unis, Russie et Europe, auxquels devraient être adjoints deux autres États, l’un représentant le monde musulman et l’autre l’Afrique (au besoin selon une formule de tourniquet). Une telle instance même informelle qui représenterait avec neuf partenaires la presque totalité de la population mondiale pourrait être le lieu le plus pertinent où débattre des conflits et des problèmes du monde. Une configuration qui serait capable d’apporter une plus grande stabilité internationale, car fondée, non plus sur une puissance unique qui cherche à s’imposer, mais sur l’équilibre des principaux pôles de puissance de la planète.
Le nouvel ordre multipolaire, un projet susceptible de s’imposer
Pour mettre en œuvre un tel projet, très différent des pratiques actuelles, la droite nouvelle, une fois au pouvoir, devrait commencer par faire de la France le champion de cette idée, à charge pour elle de l’expliquer et d’en assurer la promotion. Si, ensuite, l’Europe confédérale, telle que préconisée par Ligne droite, reprenait ce projet à son compte, gageons que tout deviendrait alors possible. L’idée d’un nouvel ordre multipolaire pourrait en effet intéresser les BRICS. Le Brésil, la Russie, la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud cherchent en effet à réduire l’influence des États-Unis dans le monde. Ils ne pourraient dès lors que soutenir un projet visant à institutionnaliser la réalité multipolaire qu’ils incarnent et, forte de ce soutien, l’Europe serait en mesure de faire prévaloir ce changement radical de l’organisation des relations internationales.
En tout état de cause, la France, dirigée par la droite nouvelle, aurait tout intérêt à porter l’idée d’une rénovation profonde des relations internationales. En dehors des bénéfices qu’elle et les autres pays européens pourraient en retirer si le projet se concrétisait, le seul fait de s’en faire l’artisan permettrait à la France de gagner en stature et d’offrir aux Français des perspectives ainsi qu’une ambition collective qui leur rendrait espoir et fierté.